Le livre de Job
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Chapitre 1
- Il y avait dans le pays d'Uts un
homme qui s'appelait Job. Et cet homme était intègre
et droit; il craignait Dieu, et se détournait du
mal.
- Il lui naquit sept fils et trois
filles.
- Il possédait sept mille
brebis, trois mille chameaux, cinq cents paires de boeufs, cinq
cents ânesses, et un très grand nombre de serviteurs.
Et cet homme était le plus considérable de tous les
fils de l'Orient.
- Ses fils allaient les uns chez
les autres et donnaient tour à tour un festin, et ils
invitaient leurs trois soeurs à manger et à boire
avec eux.
- Et quand les jours de festin
étaient passés, Job appelait et sanctifiait ses
fils, puis il se levait de bon matin et offrait pour chacun d'eux
un holocauste; car Job disait: Peut-être mes fils ont-ils
péché et ont-ils offensé Dieu dans leur
coeur. C'est ainsi que Job avait coutume d'agir.
- Or, les fils de Dieu vinrent un
jour se présenter devant l'Éternel, et Satan vint
aussi au milieu d'eux.
- L'Éternel dit à
Satan: D'où viens-tu? Et Satan répondit à
l'Éternel: De parcourir la terre et de m'y promener.
- L'Éternel dit à
Satan: As-tu remarqué mon serviteur Job? Il n'y a personne
comme lui sur la terre; c'est un homme intègre et droit,
craignant Dieu, et se détournant du mal.
- Et Satan répondit à
l'Éternel: Est-ce d'une manière
désintéressée que Job craint Dieu?
- Ne l'as-tu pas
protégé, lui, sa maison, et tout ce qui est à
lui? Tu as béni l'oeuvre de ses mains, et ses troupeaux
couvrent le pays.
- Mais étends ta main,
touche à tout ce qui lui appartient, et je suis sûr
qu'il te maudit en face.
- L'Éternel dit à
Satan: Voici, tout ce qui lui appartient, je te le livre;
seulement, ne porte pas la main sur lui. Et Satan se retira de
devant la face de l'Éternel.
- Un jour que les fils et les
filles de Job mangeaient et buvaient du vin dans la maison de leur
frère aîné,
- il arriva auprès de Job un
messager qui dit: Les boeufs labouraient et les ânesses
paissaient à côté d'eux;
- des Sabéens se sont
jetés dessus, les ont enlevés, et ont passé
les serviteurs au fil de l'épée. Et je me suis
échappé moi seul, pour t'en apporter la
nouvelle.
- Il parlait encore, lorsqu'un
autre vint et dit: Le feu de Dieu est tombé du ciel, a
embrasé les brebis et les serviteurs, et les a
consumés. Et je me suis échappé moi seul,
pour t'en apporter la nouvelle.
- Il parlait encore, lorsqu'un
autre vint et dit: Des Chaldéens, formés en trois
bandes, se sont jetés sur les chameaux, les ont
enlevés, et ont passé les serviteurs au fil de
l'épée. Et je me suis échappé moi
seul, pour t'en apporter la nouvelle.
- Il parlait encore, lorsqu'un
autre vint et dit: Tes fils et tes filles mangeaient et buvaient
du vin dans la maison de leur frère
aîné;
- et voici, un grand vent est venu
de l'autre côté du désert, et a frappé
contre les quatre coins de la maison; elle s'est
écroulée sur les jeunes gens, et ils sont morts. Et
je me suis échappé moi seul, pour t'en apporter la
nouvelle.
- Alors Job se leva, déchira
son manteau, et se rasa la tête; puis, se jetant par terre,
il se prosterna,
- et dit: Je suis sorti nu du sein
de ma mère, et nu je retournerai dans le sein de la terre.
L'Éternel a donné, et l'Éternel a
ôté; que le nom de l'Éternel soit
béni!
- En tout cela, Job ne pécha
point et n'attribua rien d'injuste à Dieu.
[ Début ]
Chapitre 2
- Or, les fils de Dieu vinrent un
jour se présenter devant l'Éternel, et Satan vint
aussi au milieu d'eux se présenter devant
l'Éternel.
- L'Éternel dit à
Satan: D'où viens-tu? Et Satan répondit à
l'Éternel: De parcourir la terre et de m'y promener.
- L'Éternel dit à
Satan: As-tu remarqué mon serviteur Job? Il n'y a personne
comme lui sur la terre; c'est un homme intègre et droit,
craignant Dieu, et se détournant du mal. Il demeure ferme
dans son intégrité, et tu m'excites à le
perdre sans motif.
- Et Satan répondit à
l'Éternel: Peau pour peau! tout ce que possède un
homme, il le donne pour sa vie.
- Mais étends ta main,
touche à ses os et à sa chair, et je suis sûr
qu'il te maudit en face.
- L'Éternel dit à
Satan: Voici, je te le livre: seulement, épargne sa
vie.
- Et Satan se retira de devant la
face de l'Éternel. Puis il frappa Job d'un ulcère
malin, depuis la plante du pied jusqu'au sommet de la
tête.
- Et Job prit un tesson pour se
gratter et s'assit sur la cendre.
- Sa femme lui dit: Tu demeures
ferme dans ton intégrité! Maudis Dieu, et
meurs!
- Mais Job lui répondit: Tu
parles comme une femme insensée. Quoi! nous recevons de
Dieu le bien, et nous ne recevrions pas aussi le mal! En tout cela
Job ne pécha point par ses lèvres.
- Trois amis de Job, Éliphaz
de Théman, Bildad de Schuach, et Tsophar de Naama,
apprirent tous les malheurs qui lui étaient arrivés.
Ils se concertèrent et partirent de chez eux pour aller le
plaindre et le consoler!
- Ayant de loin porté les
regards sur lui, ils ne le reconnurent pas, et ils
élevèrent la voix et pleurèrent. Ils
déchirèrent leurs manteaux, et ils jetèrent
de la poussière en l'air au-dessus de leur
tête.
- Et ils se tinrent assis à
terre auprès de lui sept jours et sept nuits, sans lui dire
une parole, car ils voyaient combien sa douleur était
grande.
[ Début ]
Chapitre 3
- Après cela, Job ouvrit la
bouche et maudit le jour de sa naissance.
- Il prit la parole et dit:
- Périsse le jour où
je suis né, Et la nuit qui dit: Un enfant mâle est
conçu!
- Ce jour! qu'il se change en
ténèbres, Que Dieu n'en ait point souci dans le
ciel, Et que la lumière ne rayonne plus sur lui!
- Que l'obscurité et l'ombre
de la mort s'en emparent, Que des nuées établissent
leur demeure au-dessus de lui, Et que de noirs
phénomènes l'épouvantent!
- Cette nuit! que les
ténèbres en fassent leur proie, Qu'elle disparaisse
de l'année, Qu'elle ne soit plus comptée parmi les
mois!
- Que cette nuit devienne
stérile, Que l'allégresse en soit bannie!
- Qu'elle soit maudite par ceux qui
maudissent les jours, Par ceux qui savent exciter le
léviathan!
- Que les étoiles de son
crépuscule s'obscurcissent, Qu'elle attende en vain la
lumière, Et qu'elle ne voie point les paupières de
l'aurore!
- Car elle n'a pas fermé le
sein qui me conçut, Ni dérobé la souffrance
à mes regards.
- Pourquoi ne suis-je pas mort dans
le ventre de ma mère? Pourquoi n'ai-je pas expiré au
sortir de ses entrailles?
- Pourquoi ai-je trouvé des
genoux pour me recevoir, Et des mamelles pour m'allaiter?
- Je serais couché
maintenant, je serais tranquille, Je dormirais, je
reposerais,
- Avec les rois et les grands de la
terre, Qui se bâtirent des mausolées,
- Avec les princes qui avaient de
l'or, Et qui remplirent d'argent leurs demeures.
- Ou je n'existerais pas, je serais
comme un avorton caché, Comme des enfants qui n'ont pas vu
la lumière.
- Là ne s'agitent plus les
méchants, Et là se reposent ceux qui sont
fatigués et sans force;
- Les captifs sont tous en paix,
Ils n'entendent pas la voix de l'oppresseur;
- Le petit et le grand sont
là, Et l'esclave n'est plus soumis à son
maître.
- Pourquoi donne-t-il la
lumière à celui qui souffre, Et la vie à ceux
qui ont l'amertume dans l'âme,
- Qui espèrent en vain la
mort, Et qui la convoitent plus qu'un trésor,
- Qui seraient transportés
de joie Et saisis d'allégresse, s'ils trouvaient le
tombeau?
- A l'homme qui ne sait où
aller, Et que Dieu cerne de toutes parts?
- Mes soupirs sont ma nourriture,
Et mes cris se répandent comme l'eau.
- Ce que je crains, c'est ce qui
m'arrive; Ce que je redoute, c'est ce qui m'atteint.
- Je n'ai ni tranquillité,
ni paix, ni repos, Et le trouble s'est emparé de
moi.
[ Début ]
Chapitre 4
- Éliphaz de Théman
prit la parole et dit:
- Si nous osons ouvrir la bouche,
en seras-tu peiné? Mais qui pourrait garder le
silence?
- Voici, tu as souvent
enseigné les autres, Tu as fortifié les mains
languissantes,
- Tes paroles ont relevé
ceux qui chancelaient, Tu as affermi les genoux qui
pliaient.
- Et maintenant qu'il s'agit de
toi, tu faiblis! Maintenant que tu es atteint, tu te
troubles!
- Ta crainte de Dieu n'est-elle pas
ton soutien? Ton espérance, n'est-ce pas ton
intégrité?
- Cherche dans ton souvenir: quel
est l'innocent qui a péri? Quels sont les justes qui ont
été exterminés?
- Pour moi, je l'ai vu, ceux qui
labourent l'iniquité Et qui sèment l'injustice en
moissonnent les fruits;
- Ils périssent par le
souffle de Dieu, Ils sont consumés par le vent de sa
colère,
- Le rugissement des lions prend
fin, Les dents des lionceaux sont brisées;
- Le lion périt faute de
proie, Et les petits de la lionne se dispersent.
- Une parole est arrivée
furtivement jusqu'à moi, Et mon oreille en a recueilli les
sons légers.
- Au moment où les visions
de la nuit agitent la pensée, Quand les hommes sont
livrés à un profond sommeil,
- Je fus saisi de frayeur et
d'épouvante, Et tous mes os tremblèrent.
- Un esprit passa près de
moi... Tous mes cheveux se hérissèrent...
- Une figure d'un aspect inconnu
était devant mes yeux, Et j'entendis une voix qui murmurait
doucement:
- L'homme serait-il juste devant
Dieu? Serait-il pur devant celui qui l'a fait?
- Si Dieu n'a pas confiance en ses
serviteurs, S'il trouve de la folie chez ses anges,
- Combien plus chez ceux qui
habitent des maisons d'argile, Qui tirent leur origine de la
poussière, Et qui peuvent être écrasés
comme un vermisseau!
- Du matin au soir ils sont
brisés, Ils périssent pour toujours, et nul n'y
prend garde;
- Le fil de leur vie est
coupé, Ils meurent, et ils n'ont pas acquis la
sagesse.
[ Début ]
Chapitre 5
- Crie maintenant! Qui te
répondra? Auquel des saints t'adresseras-tu?
- L'insensé périt
dans sa colère, Le fou meurt dans ses emportements.
- J'ai vu l'insensé prendre
racine; Puis soudain j'ai maudit sa demeure.
- Plus de prospérité
pour ses fils; Ils sont foulés à la porte, et
personne qui les délivre!
- Sa moisson est
dévorée par des affamés, Qui viennent
l'enlever jusque dans les épines, Et ses biens sont
engloutis par des hommes altérés.
- Le malheur ne sort pas de la
poussière, Et la souffrance ne germe pas du sol;
- L'homme naît pour souffrir,
Comme l'étincelle pour voler.
- Pour moi, j'aurais recours
à Dieu, Et c'est à Dieu que j'exposerais ma
cause.
- Il fait des choses grandes et
insondables, Des merveilles sans nombre;
- Il répand la pluie sur la
terre, Et envoie l'eau sur les campagnes;
- Il relève les humbles, Et
délivre les affligés;
- Il anéantit les projets
des hommes rusés, Et leurs mains ne peuvent les
accomplir;
- Il prend les sages dans leur
propre ruse, Et les desseins des hommes artificieux sont
renversés:
- Ils rencontrent les
ténèbres au milieu du jour, Ils tâtonnent en
plein midi comme dans la nuit.
- Ainsi Dieu protège le
faible contre leurs menaces, Et le sauve de la main des
puissants;
- Et l'espérance soutient le
malheureux, Mais l'iniquité ferme la bouche.
- Heureux l'homme que Dieu
châtie! Ne méprise pas la correction du Tout
Puissant.
- Il fait la plaie, et il la bande;
Il blesse, et sa main guérit.
- Six fois il te délivrera
de l'angoisse, Et sept fois le mal ne t'atteindra pas.
- Il te sauvera de la mort pendant
la famine, Et des coups du glaive pendant la guerre.
- Tu seras à l'abri du
fléau de la langue, Tu seras sans crainte quand viendra la
dévastation.
- Tu te riras de la
dévastation comme de la famine, Et tu n'auras pas à
redouter les bêtes de la terre;
- Car tu feras alliance avec les
pierres des champs, Et les bêtes de la terre seront en paix
avec toi.
- Tu jouiras du bonheur sous ta
tente, Tu retrouveras tes troupeaux au complet,
- Tu verras ta
postérité s'accroître, Et tes rejetons se
multiplier comme l'herbe des champs.
- Tu entreras au sépulcre
dans la vieillesse, Comme on emporte une gerbe en son
temps.
- Voilà ce que nous avons
reconnu, voilà ce qui est; A toi d'entendre et de mettre
à profit.
[ Début ]
Chapitre 6
- Job prit la parole et dit:
- Oh! s'il était possible de
peser ma douleur, Et si toutes mes calamités étaient
sur la balance,
- Elles seraient plus pesantes que
le sable de la mer; Voilà pourquoi mes paroles vont
jusqu'à la folie!
- Car les flèches du Tout
Puissant m'ont percé, Et mon âme en suce le venin;
Les terreurs de Dieu se rangent en bataille contre moi.
- L'âne sauvage crie-t-il
auprès de l'herbe tendre? Le boeuf mugit-il auprès
de son fourrage?
- Peut-on manger ce qui est fade et
sans sel? Y a-t-il de la saveur dans le blanc d'un oeuf?
- Ce que je voudrais ne pas
toucher, C'est là ma nourriture, si dégoûtante
soit-elle!
- Puisse mon voeu s'accomplir, Et
Dieu veuille réaliser mon espérance!
- Qu'il plaise à Dieu de
m'écraser, Qu'il étende sa main et qu'il
m'achève!
- Il me restera du moins une
consolation, Une joie dans les maux dont il m'accable: Jamais je
n'ai transgressé les ordres du Saint.
- Pourquoi espérer quand je
n'ai plus de force? Pourquoi attendre quand ma fin est
certaine?
- Ma force est-elle une force de
pierre? Mon corps est-il d'airain?
- Ne suis-je pas sans ressource, Et
le salut n'est-il pas loin de moi?
- Celui qui souffre a droit
à la compassion de son ami, Même quand il
abandonnerait la crainte du Tout Puissant.
- Mes frères sont perfides
comme un torrent, Comme le lit des torrents qui
disparaissent.
- Les glaçons en troublent
le cours, La neige s'y précipite;
- Viennent les chaleurs, et ils
tarissent, Les feux du soleil, et leur lit demeure à
sec.
- Les caravanes se
détournent de leur chemin, S'enfoncent dans le
désert, et périssent.
- Les caravanes de Théma
fixent le regard, Les voyageurs de Séba sont pleins
d'espoir;
- Ils sont honteux d'avoir eu
confiance, Ils restent confondus quand ils arrivent.
- Ainsi, vous êtes comme si
vous n'existiez pas; Vous voyez mon angoisse, et vous en avez
horreur!
- Vous ai-je dit: Donnez-moi
quelque chose, Faites en ma faveur des présents avec vos
biens,
- Délivrez-moi de la main de
l'ennemi, Rachetez-moi de la main des méchants?
- Instruisez-moi, et je me tairai;
Faites-moi comprendre en quoi j'ai péché.
- Que les paroles vraies sont
persuasives! Mais que prouvent vos remontrances?
- Voulez-vous donc blâmer ce
que j'ai dit, Et ne voir que du vent dans les discours d'un
désespéré?
- Vous accablez un orphelin, Vous
persécutez votre ami.
- Regardez-moi, je vous prie! Vous
mentirais-je en face?
- Revenez, ne soyez pas injustes;
Revenez, et reconnaissez mon innocence.
- Y a-t-il de l'iniquité sur
ma langue, Et ma bouche ne discerne-t-elle pas le mal?
[ Début ]
Chapitre 7
- Le sort de l'homme sur la terre
est celui d'un soldat, Et ses jours sont ceux d'un
mercenaire.
- Comme l'esclave soupire
après l'ombre, Comme l'ouvrier attend son salaire,
- Ainsi j'ai pour partage des mois
de douleur, J'ai pour mon lot des nuits de souffrance.
- Je me couche, et je dis: Quand me
lèverai-je? quand finira la nuit? Et je suis
rassasié d'agitations jusqu'au point du jour.
- Mon corps se couvre de vers et
d'une croûte terreuse, Ma peau se crevasse et se
dissout.
- Mes jours sont plus rapides que
la navette du tisserand, Ils s'évanouissent: plus
d'espérance!
- Souviens-toi que ma vie est un
souffle! Mes yeux ne reverront pas le bonheur.
- L'oeil qui me regarde ne me
regardera plus; Ton oeil me cherchera, et je ne serai plus.
- Comme la nuée se dissipe
et s'en va, Celui qui descend au séjour des morts ne
remontera pas;
- Il ne reviendra plus dans sa
maison, Et le lieu qu'il habitait ne le connaîtra
plus.
- C'est pourquoi je ne retiendrai
point ma bouche, Je parlerai dans l'angoisse de mon coeur, Je me
plaindrai dans l'amertume de mon âme.
- Suis-je une mer, ou un monstre
marin, Pour que tu établisses des gardes autour de
moi?
- Quand je dis: Mon lit me
soulagera, Ma couche calmera mes douleurs,
- C'est alors que tu m'effraies par
des songes, Que tu m'épouvantes par des visions.
- Ah! je voudrais être
étranglé! Je voudrais la mort plutôt que ces
os!
- Je les méprise!... je ne
vivrai pas toujours... Laisse-moi, car ma vie n'est qu'un
souffle.
- Qu'est-ce que l'homme, pour que
tu en fasses tant de cas, Pour que tu daignes prendre garde
à lui,
- Pour que tu le visites tous les
matins, Pour que tu l'éprouves à tous les
instants?
- Quand cesseras-tu d'avoir le
regard sur moi? Quand me laisseras-tu le temps d'avaler ma
salive?
- Si j'ai péché,
qu'ai-je pu te faire, gardien des hommes? Pourquoi me mettre en
butte à tes traits? Pourquoi me rendre à charge
à moi-même?
- Que ne pardonnes-tu mon
péché, Et que n'oublies-tu mon iniquité? Car
je vais me coucher dans la poussière; Tu me chercheras, et
je ne serai plus.
[ Début ]
Chapitre 8
- Bildad de Schuach prit la parole
et dit:
- Jusqu'à quand veux-tu
discourir de la sorte, Et les paroles de ta bouche seront-elles un
vent impétueux?
- Dieu renverserait-il le droit? Le
Tout Puissant renverserait-il la justice?
- Si tes fils ont
péché contre lui, Il les a livrés à
leur péché.
- Mais toi, si tu as recours
à Dieu, Si tu implores le Tout Puissant;
- Si tu es juste et droit,
Certainement alors il veillera sur toi, Et rendra le bonheur
à ton innocente demeure;
- Ton ancienne
prospérité semblera peu de chose, Celle qui t'est
réservée sera bien plus grande.
- Interroge ceux des
générations passées, Sois attentif à
l'expérience de leurs pères.
- Car nous sommes d'hier, et nous
ne savons rien, Nos jours sur la terre ne sont qu'une
ombre.
- Ils t'instruiront, ils te
parleront, Ils tireront de leur coeur ces sentences:
- Le jonc croît-il sans
marais? Le roseau croît-il sans humidité?
- Encore vert et sans qu'on le
coupe, Il sèche plus vite que toutes les herbes.
- Ainsi arrive-t-il à tous
ceux qui oublient Dieu, Et l'espérance de l'impie
périra.
- Son assurance est brisée,
Son soutien est une toile d'araignée.
- Il s'appuie sur sa maison, et
elle n'est pas ferme; Il s'y cramponne, et elle ne résiste
pas.
- Dans toute sa vigueur, en plein
soleil, Il étend ses rameaux sur son jardin,
- Il entrelace ses racines parmi
les pierres, Il pénètre jusque dans les
murailles;
- L'arrache-t-on du lieu qu'il
occupe, Ce lieu le renie: Je ne t'ai point connu!
- Telles sont les délices
que ses voies lui procurent. Puis sur le même sol d'autres
s'élèvent après lui.
- Non, Dieu ne rejette point
l'homme intègre, Et il ne protège point les
méchants.
- Il remplira ta bouche de cris de
joie, Et tes lèvres de chants d'allégresse.
- Tes ennemis seront couverts de
honte; La tente des méchants disparaîtra.
[ Début ]
Chapitre 9
- Job prit la parole et dit:
- Je sais bien qu'il en est ainsi;
Comment l'homme serait-il juste devant Dieu?
- S'il voulait contester avec lui,
Sur mille choses il ne pourrait répondre à une
seule.
- A lui la sagesse et la
toute-puissance: Qui lui résisterait
impunément?
- Il transporte soudain les
montagnes, Il les renverse dans sa colère.
- Il secoue la terre sur sa base,
Et ses colonnes sont ébranlées.
- Il commande au soleil, et le
soleil ne paraît pas; Il met un sceau sur les
étoiles.
- Seul, il étend les cieux,
Il marche sur les hauteurs de la mer.
- Il a créé la Grande
Ourse, l'Orion et les Pléiades, Et les étoiles des
régions australes.
- Il fait des choses grandes et
insondables, Des merveilles sans nombre.
- Voici, il passe près de
moi, et je ne le vois pas, Il s'en va, et je ne l'aperçois
pas.
- S'il enlève, qui s'y
opposera? Qui lui dira: Que fais-tu?
- Dieu ne retire point sa
colère; Sous lui s'inclinent les appuis de
l'orgueil.
- Et moi, comment lui
répondre? Quelles paroles choisir?
- Quand je serais juste, je ne
répondrais pas; Je ne puis qu'implorer mon juge.
- Et quand il m'exaucerait, si je
l'invoque, Je ne croirais pas qu'il eût écouté
ma voix,
- Lui qui m'assaille comme par une
tempête, Qui multiplie sans raison mes blessures,
- Qui ne me laisse pas respirer,
Qui me rassasie d'amertume.
- Recourir à la force? Il
est Tout Puissant. A la justice? Qui me fera
comparaître?
- Suis-je juste, ma bouche me
condamnera; Suis-je innocent, il me déclarera
coupable.
- Innocent! Je le suis; mais je ne
tiens pas à la vie, Je méprise mon existence.
- Qu'importe après tout?
Car, j'ose le dire, Il détruit l'innocent comme le
coupable.
- Si du moins le fléau
donnait soudain la mort!... Mais il se rit des épreuves de
l'innocent.
- La terre est livrée aux
mains de l'impie; Il voile la face des juges. Si ce n'est pas lui,
qui est-ce donc?
- Mes jours sont plus rapides qu'un
courrier; Ils fuient sans avoir vu le bonheur;
- Ils passent comme les navires de
jonc, Comme l'aigle qui fond sur sa proie.
- Si je dis: Je veux oublier mes
souffrances, Laisser ma tristesse, reprendre courage,
- Je suis effrayé de toutes
mes douleurs. Je sais que tu ne me tiendras pas pour
innocent.
- Je serai jugé coupable;
Pourquoi me fatiguer en vain?
- Quand je me laverais dans la
neige, Quand je purifierais mes mains avec du savon,
- Tu me plongerais dans la fange,
Et mes vêtements m'auraient en horreur.
- Il n'est pas un homme comme moi,
pour que je lui réponde, Pour que nous allions ensemble en
justice.
- Il n'y a pas entre nous
d'arbitre, Qui pose sa main sur nous deux.
- Qu'il retire sa verge de dessus
moi, Que ses terreurs ne me troublent plus;
- Alors je parlerai et je ne le
craindrai pas. Autrement, je ne suis point à
moi-même.
[ Début ]
Chapitre 10
- Mon âme est
dégoûtée de la vie! Je donnerai cours à
ma plainte, Je parlerai dans l'amertume de mon âme.
- Je dis à Dieu: Ne me
condamne pas! Fais-moi savoir pourquoi tu me prends à
partie!
- Te paraît-il bien de
maltraiter, De repousser l'ouvrage de tes mains, Et de faire
briller ta faveur sur le conseil des méchants?
- As-tu des yeux de chair, Vois-tu
comme voit un homme?
- Tes jours sont-ils comme les
jours de l'homme, Et tes années comme ses
années,
- Pour que tu recherches mon
iniquité, Pour que tu t'enquières de mon
péché,
- Sachant bien que je ne suis pas
coupable, Et que nul ne peut me délivrer de ta main?
- Tes mains m'ont formé,
elles m'ont créé, Elles m'ont fait tout entier... Et
tu me détruirais!
- Souviens-toi que tu m'as
façonné comme de l'argile; Voudrais-tu de nouveau me
réduire en poussière?
- Ne m'as-tu pas coulé comme
du lait? Ne m'as-tu pas caillé comme du fromage?
- Tu m'as revêtu de peau et
de chair, Tu m'as tissé d'os et de nerfs;
- Tu m'as accordé ta
grâce avec la vie, Tu m'as conservé par tes soins et
sous ta garde.
- Voici néanmoins ce que tu
cachais dans ton coeur, Voici, je le sais, ce que tu as
résolu en toi-même.
- Si je pèche, tu
m'observes, Tu ne pardonnes pas mon iniquité.
- Suis-je coupable, malheur
à moi! Suis-je innocent, je n'ose lever la tête,
Rassasié de honte et absorbé dans ma
misère.
- Et si j'ose la lever, tu me
poursuis comme un lion, Tu me frappes encore par des
prodiges.
- Tu m'opposes de nouveaux
témoins, Tu multiplies tes fureurs contre moi, Tu
m'assailles d'une succession de calamités.
- Pourquoi m'as-tu fait sortir du
sein de ma mère? Je serais mort, et aucun oeil ne m'aurait
vu;
- Je serais comme si je n'eusse pas
existé, Et j'aurais passé du ventre de ma
mère au sépulcre.
- Mes jours ne sont-ils pas en
petit nombre? Qu'il me laisse, Qu'il se retire de moi, et que je
respire un peu,
- Avant que je m'en aille, pour ne
plus revenir, Dans le pays des ténèbres et de
l'ombre de la mort,
- Pays d'une obscurité
profonde, Où règnent l'ombre de la mort et la
confusion, Et où la lumière est semblable aux
ténèbres.
[ Début ]
Chapitre 11
- Tsophar de Naama prit la parole
et dit:
- Cette multitude de paroles ne
trouvera-t-elle point de réponse, Et suffira-t-il
d'être un discoureur pour avoir raison?
- Tes vains propos feront-ils taire
les gens? Te moqueras-tu, sans que personne te confonde?
- Tu dis: Ma manière de voir
est juste, Et je suis pur à tes yeux.
- Oh! si Dieu voulait parler, S'il
ouvrait les lèvres pour te répondre,
- Et s'il te révélait
les secrets de sa sagesse, De son immense sagesse, Tu verrais
alors qu'il ne te traite pas selon ton iniquité.
- Prétends-tu sonder les
pensées de Dieu, Parvenir à la connaissance parfaite
du Tout Puissant?
- Elle est aussi haute que les
cieux: que feras-tu? Plus profonde que le séjour des morts:
que sauras-tu?
- La mesure en est plus longue que
la terre, Elle est plus large que la mer.
- S'il passe, s'il saisit, S'il
traîne à son tribunal, qui s'y opposera?
- Car il connaît les vicieux,
Il voit facilement les coupables.
- L'homme, au contraire, a
l'intelligence d'un fou, Il est né comme le petit d'un
âne sauvage.
- Pour toi, dirige ton coeur vers
Dieu, Étends vers lui tes mains,
- Éloigne-toi de
l'iniquité, Et ne laisse pas habiter l'injustice sous ta
tente.
- Alors tu lèveras ton front
sans tache, Tu seras ferme et sans crainte;
- Tu oublieras tes souffrances, Tu
t'en souviendras comme des eaux écoulées.
- Tes jours auront plus
d'éclat que le soleil à son midi, Tes
ténèbres seront comme la lumière du
matin,
- Tu seras plein de confiance, et
ton attente ne sera plus vaine; Tu regarderas autour de toi, et tu
reposeras en sûreté.
- Tu te coucheras sans que personne
ne trouble, Et plusieurs caresseront ton visage.
- Mais les yeux des méchants
seront consumés; Pour eux point de refuge; La mort,
voilà leur espérance!
[ Début ]
Chapitre 12
- Job prit la parole et dit:
- On dirait, en
vérité, que le genre humain c'est vous, Et qu'avec
vous doit mourir la sagesse.
- J'ai tout aussi bien que vous de
l'intelligence, moi, Je ne vous suis point inférieur; Et
qui ne sait les choses que vous dites?
- Je suis pour mes amis un objet de
raillerie, Quand j'implore le secours de Dieu; Le juste,
l'innocent, un objet de raillerie!
- Au malheur le mépris!
c'est la devise des heureux; A celui dont le pied chancelle est
réservé le mépris.
- Il y a paix sous la tente des
pillards, Sécurité pour ceux qui offensent Dieu,
Pour quiconque se fait un dieu de sa force.
- Interroge les bêtes, elles
t'instruiront, Les oiseaux du ciel, ils te l'apprendront;
- Parle à la terre, elle
t'instruira; Et les poissons de la mer te le raconteront.
- Qui ne reconnaît chez eux
la preuve Que la main de l'Éternel a fait toutes
choses?
- Il tient dans sa main l'âme
de tout ce qui vit, Le souffle de toute chair d'homme.
- L'oreille ne discerne-t-elle pas
les paroles, Comme le palais savoure les aliments?
- Dans les vieillards se trouve la
sagesse, Et dans une longue vie l'intelligence.
- En Dieu résident la
sagesse et la puissance. Le conseil et l'intelligence lui
appartiennent.
- Ce qu'il renverse ne sera point
rebâti, Celui qu'il enferme ne sera point
délivré.
- Il retient les eaux et tout se
dessèche; Il les lâche, et la terre en est
dévastée.
- Il possède la force et la
prudence; Il maîtrise celui qui s'égare ou fait
égarer les autres.
- Il emmène captifs les
conseillers; Il trouble la raison des juges.
- Il délie la ceinture des
rois, Il met une corde autour de leurs reins.
- Il emmène captifs les
sacrificateurs; Il fait tomber les puissants.
- Il ôte la parole à
ceux qui ont de l'assurance; Il prive de jugement les
vieillards.
- Il verse le mépris sur les
grands; Il relâche la ceinture des forts.
- Il met à découvert
ce qui est caché dans les ténèbres, Il
produit à la lumière l'ombre de la mort.
- Il donne de l'accroissement aux
nations, et il les anéantit; Il les étend au loin,
et il les ramène dans leurs limites.
- Il enlève l'intelligence
aux chefs des peuples, Il les fait errer dans les déserts
sans chemin;
- Ils tâtonnent dans les
ténèbres, et ne voient pas clair; Il les fait errer
comme des gens ivres.
[ Début ]
Chapitre 13
- Voici, mon oeil a vu tout cela,
Mon oreille l'a entendu et y a pris garde.
- Ce que vous savez, je le sais
aussi, Je ne vous suis point inférieur.
- Mais je veux parler au Tout
Puissant, Je veux plaider ma cause devant Dieu;
- Car vous, vous n'imaginez que des
faussetés, Vous êtes tous des médecins de
néant.
- Que n'avez-vous gardé le
silence? Vous auriez passé pour avoir de la sagesse.
- Écoutez, je vous prie, ma
défense, Et soyez attentifs à la réplique de
mes lèvres.
- Direz-vous en faveur de Dieu ce
qui est injuste, Et pour le soutenir alléguerez-vous des
faussetés?
- Voulez-vous avoir égard
à sa personne? Voulez-vous plaider pour Dieu?
- S'il vous sonde, vous
approuvera-t-il? Ou le tromperez-vous comme on trompe un
homme?
- Certainement il vous condamnera,
Si vous n'agissez en secret que par égard pour sa
personne.
- Sa majesté ne vous
épouvantera-t-elle pas? Sa terreur ne tombera-t-elle pas
sur vous?
- Vos sentences sont des sentences
de cendre, Vos retranchements sont des retranchements de
boue.
- Taisez-vous, laissez-moi, je veux
parler! Il m'en arrivera ce qu'il pourra.
- Pourquoi saisirais-je ma chair
entre les dents? J'exposerai plutôt ma vie.
- Voici, il me tuera; je n'ai rien
à espérer; Mais devant lui je défendrai ma
conduite.
- Cela même peut servir
à mon salut, Car un impie n'ose paraître en sa
présence.
- Écoutez, écoutez
mes paroles, Prêtez l'oreille à ce que je vais
dire.
- Me voici prêt à
plaider ma cause; Je sais que j'ai raison.
- Quelqu'un disputera-t-il contre
moi? Alors je me tais, et je veux mourir.
- Seulement, accorde-moi deux
choses Et je ne me cacherai pas de loin de ta face:
- Retire ta main de dessus moi, Et
que tes terreurs ne me troublent plus.
- Puis appelle, et je
répondrai, Ou si je parle, réponds-moi!
- Quel est le nombre de mes
iniquités et de mes péchés? Fais-moi
connaître mes transgressions et mes
péchés.
- Pourquoi caches-tu ton visage, Et
me prends-tu pour ton ennemi?
- Veux-tu frapper une feuille
agitée? Veux-tu poursuivre une paille
desséchée?
- Pourquoi m'infliger
d'amères souffrances, Me punir pour des fautes de
jeunesse?
- Pourquoi mettre mes pieds dans
les ceps, Surveiller tous mes mouvements, Tracer une limite
à mes pas,
- Quand mon corps tombe en
pourriture, Comme un vêtement que dévore la
teigne?
[ Début ]
Chapitre 14
- L'homme né de la femme! Sa
vie est courte, sans cesse agitée.
- Il naît, il est
coupé comme une fleur; Il fuit et disparaît comme une
ombre.
- Et c'est sur lui que tu as l'oeil
ouvert! Et tu me fais aller en justice avec toi!
- Comment d'un être
souillé sortira-t-il un homme pur? Il n'en peut sortir
aucun.
- Si ses jours sont fixés,
si tu as compté ses mois, Si tu en as marqué le
terme qu'il ne saurait franchir,
- Détourne de lui les
regards, et donne-lui du relâche, Pour qu'il ait au moins la
joie du mercenaire à la fin de sa journée.
- Un arbre a de l'espérance:
Quand on le coupe, il repousse, Il produit encore des
rejetons;
- Quand sa racine a vieilli dans la
terre, Quand son tronc meurt dans la poussière,
- Il reverdit à l'approche
de l'eau, Il pousse des branches comme une jeune plante.
- Mais l'homme meurt, et il perd sa
force; L'homme expire, et où est-il?
- Les eaux des lacs
s'évanouissent, Les fleuves tarissent et se
dessèchent;
- Ainsi l'homme se couche et ne se
relèvera plus, Il ne se réveillera pas tant que les
cieux subsisteront, Il ne sortira pas de son sommeil.
- Oh! si tu voulais me cacher dans
le séjour des morts, M'y tenir à couvert
jusqu'à ce que ta colère fût passée, Et
me fixer un terme auquel tu te souviendras de moi!
- Si l'homme une fois mort pouvait
revivre, J'aurais de l'espoir tout le temps de mes souffrances,
Jusqu'à ce que mon état vînt à
changer.
- Tu appellerais alors, et je te
répondrais, Tu languirais après l'ouvrage de tes
mains.
- Mais aujourd'hui tu comptes mes
pas, Tu as l'oeil sur mes péchés;
- Mes transgressions sont
scellées en un faisceau, Et tu imagines des
iniquités à ma charge.
- La montagne s'écroule et
périt, Le rocher disparaît de sa place,
- La pierre est broyée par
les eaux, Et la terre emportée par leur courant; Ainsi tu
détruis l'espérance de l'homme.
- Tu es sans cesse à
l'assaillir, et il s'en va; Tu le défigures, puis tu le
renvoies.
- Que ses fils soient
honorés, il n'en sait rien; Qu'ils soient dans
l'abaissement, il l'ignore.
- C'est pour lui seul qu'il
éprouve de la douleur en son corps, C'est pour lui seul
qu'il ressent de la tristesse en son âme.
[ Début ]
Chapitre 15
- Éliphaz de Théman
prit la parole et dit:
- Le sage répond-il par un
vain savoir? Se gonfle-t-il la poitrine du vent d'orient?
- Est-ce par d'inutiles propos
qu'il se défend? Est-ce par des discours qui ne servent
à rien?
- Toi, tu détruis même
la crainte de Dieu, Tu anéantis tout mouvement de
piété devant Dieu.
- Ton iniquité dirige ta
bouche, Et tu prends le langage des hommes rusés.
- Ce n'est pas moi, c'est ta bouche
qui te condamne. Ce sont tes lèvres qui déposent
contre toi.
- Es-tu né le premier des
hommes? As-tu été enfanté avant les
collines?
- As-tu reçu les confidences
de Dieu? As-tu dérobé la sagesse à ton
profit?
- Que sais-tu que nous ne sachions
pas? Quelle connaissance as-tu que nous n'ayons pas?
- Il y a parmi nous des cheveux
blancs, des vieillards, Plus riches de jours que ton
père.
- Tiens-tu pour peu de chose les
consolations de Dieu, Et les paroles qui doucement se font
entendre à toi?...
- Où ton coeur
t'entraîne-t-il, Et que signifie ce roulement de tes
yeux?
- Quoi! c'est contre Dieu que tu
tournes ta colère Et que ta bouche exhale de pareils
discours!
- Qu'est-ce que l'homme, pour qu'il
soit pur? Celui qui est né de la femme peut-il être
juste?
- Si Dieu n'a pas confiance en ses
saints, Si les cieux ne sont pas purs devant lui,
- Combien moins l'être
abominable et pervers, L'homme qui boit l'iniquité comme
l'eau!
- Je vais te parler,
écoute-moi! Je raconterai ce que j'ai vu,
- Ce que les sages ont fait
connaître, Ce qu'ils ont révélé,
l'ayant appris de leurs pères.
- A eux seuls appartenait le pays,
Et parmi eux nul étranger n'était encore
venu.
- Le méchant passe dans
l'angoisse tous les jours de sa vie, Toutes les années qui
sont le partage de l'impie.
- La voix de la terreur retentit
à ses oreilles; Au sein de la paix, le dévastateur
va fondre sur lui;
- Il n'espère pas
échapper aux ténèbres, Il voit
l'épée qui le menace;
- Il court çà et
là pour chercher du pain, Il sait que le jour des
ténèbres l'attend.
- La détresse et l'angoisse
l'épouvantent, Elles l'assaillent comme un roi prêt
à combattre;
- Car il a levé la main
contre Dieu, Il a bravé le Tout Puissant,
- Il a eu l'audace de courir
à lui Sous le dos épais de ses boucliers.
- Il avait le visage couvert de
graisse, Les flancs chargés d'embonpoint;
- Et il habite des villes
détruites, Des maisons abandonnées, Sur le point de
tomber en ruines.
- Il ne s'enrichira plus, sa
fortune ne se relèvera pas, Sa prospérité ne
s'étendra plus sur la terre.
- Il ne pourra se dérober
aux ténèbres, La flamme consumera ses rejetons, Et
Dieu le fera périr par le souffle de sa bouche.
- S'il a confiance dans le mal, il
se trompe, Car le mal sera sa récompense.
- Elle arrivera avant le terme de
ses jours, Et son rameau ne verdira plus.
- Il sera comme une vigne
dépouillée de ses fruits encore verts, Comme un
olivier dont on a fait tomber les fleurs.
- La maison de l'impie deviendra
stérile, Et le feu dévorera la tente de l'homme
corrompu.
- Il conçoit le mal et il
enfante le mal, Il mûrit dans son sein des fruits qui le
trompent.
[ Début ]
Chapitre 16
- Job prit la parole et dit:
- J'ai souvent entendu pareilles
choses; Vous êtes tous des consolateurs
fâcheux.
- Quand finiront ces discours en
l'air? Pourquoi cette irritation dans tes réponses?
- Moi aussi, je pourrais parler
comme vous, Si vous étiez à ma place: Je vous
accablerais de paroles, Je secouerais sur vous la
tête,
- Je vous fortifierais de la
bouche, Je remuerais les lèvres pour vous soulager.
- Si je parle, mes souffrances ne
seront point calmées, Si je me tais, en quoi seront-elles
moindres?
- Maintenant, hélas! il m'a
épuisé... Tu as ravagé toute ma
maison;
- Tu m'as saisi, pour
témoigner contre moi; Ma maigreur se lève, et
m'accuse en face.
- Il me déchire et me
poursuit dans sa fureur, Il grince des dents contre moi, Il
m'attaque et me perce de son regard.
- Ils ouvrent la bouche pour me
dévorer, Ils m'insultent et me frappent les joues, Ils
s'acharnent tous après moi.
- Dieu me livre à la merci
des impies, Il me précipite entre les mains des
méchants.
- J'étais tranquille, et il
m'a secoué, Il m'a saisi par la nuque et m'a brisé,
Il a tiré sur moi comme à un but.
- Ses traits m'environnent de
toutes parts; Il me perce les reins sans pitié, Il
répand ma bile sur la terre.
- Il me fait brèche sur
brèche, Il fond sur moi comme un guerrier.
- J'ai cousu un sac sur ma peau;
J'ai roulé ma tête dans la poussière.
- Les pleurs ont
altéré mon visage; L'ombre de la mort est sur mes
paupières.
- Je n'ai pourtant commis aucune
violence, Et ma prière fut toujours pure.
- O terre, ne couvre point mon
sang, Et que mes cris prennent librement leur essor!
- Déjà maintenant,
mon témoin est dans le ciel, Mon témoin est dans les
lieux élevés.
- Mes amis se jouent de moi; C'est
Dieu que j'implore avec larmes.
- Puisse-t-il donner à
l'homme raison contre Dieu, Et au fils de l'homme contre ses
amis!
- Car le nombre de mes
années touche à son terme, Et je m'en irai par un
sentier d'où je ne reviendrai pas.
[ Début ]
Chapitre 17
- Mon souffle se perd, Mes jours
s'éteignent, Le sépulcre m'attend.
- Je suis environné de
moqueurs, Et mon oeil doit contempler leurs insultes.
- Sois auprès de
toi-même ma caution; Autrement, qui répondrait pour
moi?
- Car tu as fermé leur coeur
à l'intelligence; Aussi ne les laisseras-tu pas
triompher.
- On invite ses amis au partage du
butin, Et l'on a des enfants dont les yeux se consument.
- Il m'a rendu la fable des
peuples, Et ma personne est un objet de mépris.
- Mon oeil est obscurci par la
douleur; Tous mes membres sont comme une ombre.
- Les hommes droits en sont
stupéfaits, Et l'innocent se soulève contre
l'impie.
- Le juste néanmoins demeure
ferme dans sa voie, Celui qui a les mains pures se fortifie de
plus en plus.
- Mais vous tous, revenez à
vos mêmes discours, Et je ne trouverai pas un sage parmi
vous.
- Quoi! mes jours sont
passés, mes projets sont anéantis, Les projets qui
remplissaient mon coeur...
- Et ils prétendent que la
nuit c'est le jour, Que la lumière est proche quand les
ténèbres sont là!
- C'est le séjour des morts
que j'attends pour demeure, C'est dans les ténèbres
que je dresserai ma couche;
- Je crie à la fosse: Tu es
mon père! Et aux vers: Vous êtes ma mère et ma
soeur!
- Mon espérance, où
donc est-elle? Mon espérance, qui peut la voir?
- Elle descendra vers les portes du
séjour des morts, Quand nous irons ensemble reposer dans la
poussière.
[ Début ]
Chapitre 18
- Bildad de Schuach prit la parole
et dit:
- Quand mettrez-vous un terme
à ces discours? Ayez de l'intelligence, puis nous
parlerons.
- Pourquoi sommes-nous
regardés comme des bêtes? Pourquoi ne sommes-nous
à vos yeux que des brutes?
- O toi qui te déchires dans
ta fureur, Faut-il, à cause de toi, que la terre devienne
déserte? Faut-il que les rochers disparaissent de leur
place?
- La lumière du
méchant s'éteindra, Et la flamme qui en jaillit
cessera de briller.
- La lumière s'obscurcira
sous sa tente, Et sa lampe au-dessus de lui
s'éteindra.
- Ses pas assurés seront
à l'étroit; Malgré ses efforts, il
tombera.
- Car il met les pieds sur un
filet, Il marche dans les mailles,
- Il est saisi au piège par
le talon, Et le filet s'empare de lui;
- Le cordeau est caché dans
la terre, Et la trappe est sur son sentier.
- Des terreurs l'assiègent,
l'entourent, Le poursuivent par derrière.
- La faim consume ses forces, La
misère est à ses côtés.
- Les parties de sa peau sont l'une
après l'autre dévorées, Ses membres sont
dévorés par le premier-né de la mort.
- Il est arraché de sa tente
où il se croyait en sûreté, Il se traîne
vers le roi des épouvantements.
- Nul des siens n'habite sa tente,
Le soufre est répandu sur sa demeure.
- En bas, ses racines se
dessèchent; En haut, ses branches sont
coupées.
- Sa mémoire disparaît
de la terre, Son nom n'est plus sur la face des champs.
- Il est poussé de la
lumière dans les ténèbres, Il est
chassé du monde.
- Il ne laisse ni descendants ni
postérité parmi son peuple, Ni survivant dans les
lieux qu'il habitait.
- Les générations
à venir seront étonnées de sa ruine, Et la
génération présente sera saisie
d'effroi.
- Point d'autre destinée
pour le méchant, Point d'autre sort pour qui ne
connaît pas Dieu!
[ Début ]
Chapitre 19
- Job prit la parole et dit:
- Jusques à quand
affligerez-vous mon âme, Et m'écraserez-vous de vos
discours?
- Voilà dix fois que vous
m'outragez; N'avez-vous pas honte de m'étourdir
ainsi?
- Si réellement j'ai
péché, Seul j'en suis responsable.
- Pensez-vous me traiter avec
hauteur? Pensez-vous démontrer que je suis coupable?
- Sachez alors que c'est Dieu qui
me poursuit, Et qui m'enveloppe de son filet.
- Voici, je crie à la
violence, et nul ne répond; J'implore justice, et point de
justice!
- Il m'a fermé toute issue,
et je ne puis passer; Il a répandu des
ténèbres sur mes sentiers.
- Il m'a dépouillé de
ma gloire, Il a enlevé la couronne de ma tête.
- Il m'a brisé de toutes
parts, et je m'en vais; Il a arraché mon espérance
comme un arbre.
- Il s'est enflammé de
colère contre moi, Il m'a traité comme l'un de ses
ennemis.
- Ses troupes se sont de concert
mises en marche, Elles se sont frayé leur chemin
jusqu'à moi, Elles ont campées autour de ma
tente.
- Il a éloigné de moi
mes frères, Et mes amis se sont détournés de
moi;
- Je suis abandonné de mes
proches, Je suis oublié de mes intimes.
- Je suis un étranger pour
mes serviteurs et mes servantes, Je ne suis plus à leurs
yeux qu'un inconnu.
- J'appelle mon serviteur, et il ne
répond pas; Je le supplie de ma bouche, et c'est en
vain.
- Mon humeur est à charge
à ma femme, Et ma plainte aux fils de mes
entrailles.
- Je suis méprisé
même par des enfants; Si je me lève, je reçois
leurs insultes.
- Ceux que j'avais pour confidents
m'ont en horreur, Ceux que j'aimais se sont tournés contre
moi.
- Mes os sont attachés
à ma peau et à ma chair; Il ne me reste que la peau
des dents.
- Ayez pitié, ayez
pitié de moi, vous, mes amis! Car la main de Dieu m'a
frappé.
- Pourquoi me poursuivre comme Dieu
me poursuit? Pourquoi vous montrer insatiables de ma chair?
- Oh! je voudrais que mes paroles
fussent écrites, Qu'elles fussent écrites dans un
livre;
- Je voudrais qu'avec un burin de
fer et avec du plomb Elles fussent pour toujours gravées
dans le roc...
- Mais je sais que mon
Rédempteur est vivant, Et qu'il se lèvera le dernier
sur la terre.
- Quand ma peau sera
détruite, il se lèvera; Quand je n'aurai plus de
chair, je verrai Dieu.
- Je le verrai, et il me sera
favorable; Mes yeux le verront, et non ceux d'un autre; Mon
âme languit d'attente au dedans de moi.
- Vous direz alors: Pourquoi le
poursuivions-nous? Car la justice de ma cause sera
reconnue.
- Craignez pour vous le glaive: Les
châtiments par le glaive sont terribles! Et sachez qu'il y a
un jugement.
[ Début ]
Chapitre 20
- Tsophar de Naama prit la parole
et dit:
- Mes pensées me forcent
à répondre, Et mon agitation ne peut se
contenir.
- J'ai entendu des reproches qui
m'outragent; Le souffle de mon intelligence donnera la
réplique.
- Ne sais-tu pas que, de tout
temps, Depuis que l'homme a été placé sur la
terre,
- Le triomphe des méchants a
été court, Et la joie de l'impie
momentanée?
- Quand il
s'élèverait jusqu'aux cieux, Et que sa tête
toucherait aux nues,
- Il périra pour toujours
comme son ordure, Et ceux qui le voyaient diront: Où
est-il?
- Il s'envolera comme un songe, et
on ne le trouvera plus; Il disparaîtra comme une vision
nocturne;
- L'oeil qui le regardait ne le
regardera plus, Le lieu qu'il habitait ne l'apercevra plus.
- Ses fils seront assaillis par les
pauvres, Et ses mains restitueront ce qu'il a pris par
violence.
- La vigueur de la jeunesse, qui
remplissait ses membres, Aura sa couche avec lui dans la
poussière.
- Le mal était doux à
sa bouche, Il le cachait sous sa langue,
- Il le savourait sans
l'abandonner, Il le retenait au milieu de son palais;
- Mais sa nourriture se
transformera dans ses entrailles, Elle deviendra dans son corps un
venin d'aspic.
- Il a englouti des richesses, il
les vomira; Dieu les chassera de son ventre.
- Il a sucé du venin
d'aspic, La langue de la vipère le tuera.
- Il ne reposera plus ses regards
sur les ruisseaux, Sur les torrents, sur les fleuves de miel et de
lait.
- Il rendra ce qu'il a
gagné, et n'en profitera plus; Il restituera tout ce qu'il
a pris, et n'en jouira plus.
- Car il a opprimé,
délaissé les pauvres, Il a ruiné des maisons
et ne les a pas rétablies.
- Son avidité n'a point
connu de bornes; Mais il ne sauvera pas ce qu'il avait de plus
cher.
- Rien n'échappait à
sa voracité; Mais son bien-être ne durera pas.
- Au milieu de l'abondance il sera
dans la détresse; La main de tous les misérables se
lèvera sur lui.
- Et voici, pour lui remplir le
ventre, Dieu enverra sur lui le feu de sa colère, Et le
rassasiera par une pluie de traits.
- S'il échappe aux armes de
fer, L'arc d'airain le transpercera.
- Il arrache de son corps le trait,
Qui étincelle au sortir de ses entrailles, Et il est en
proie aux terreurs de la mort.
- Toutes les calamités sont
réservées à ses trésors; Il sera
consumé par un feu que n'allumera point l'homme, Et ce qui
restera dans sa tente en deviendra la pâture.
- Les cieux dévoileront son
iniquité, Et la terre s'élèvera contre
lui.
- Les revenus de sa maison seront
emportés, Ils disparaîtront au jour de la
colère de Dieu.
- Telle est la part que Dieu
réserve au méchant, Tel est l'héritage que
Dieu lui destine.
[ Début ]
Chapitre 21
- Job prit la parole et dit:
- Écoutez, écoutez
mes paroles, Donnez-moi seulement cette consolation.
- Laissez-moi parler, je vous prie;
Et, quand j'aurai parlé, tu pourras te moquer.
- Est-ce contre un homme que se
dirige ma plainte? Et pourquoi mon âme ne serait-elle pas
impatiente?
- Regardez-moi, soyez
étonnés, Et mettez la main sur la bouche.
- Quand j'y pense, cela
m'épouvante, Et un tremblement saisit mon corps.
- Pourquoi les méchants
vivent-ils? Pourquoi les voit-on vieillir et accroître leur
force?
- Leur postérité
s'affermit avec eux et en leur présence, Leurs rejetons
prospèrent sous leurs yeux.
- Dans leurs maisons règne
la paix, sans mélange de crainte; La verge de Dieu ne vient
pas les frapper.
- Leurs taureaux sont vigoureux et
féconds, Leurs génisses conçoivent et
n'avortent point.
- Ils laissent courir leurs enfants
comme des brebis, Et les enfants prennent leurs
ébats.
- Ils chantent au son du tambourin
et de la harpe, Ils se réjouissent au son du
chalumeau.
- Ils passent leurs jours dans le
bonheur, Et ils descendent en un instant au séjour des
morts.
- Ils disaient pourtant à
Dieu: Retire-toi de nous; Nous ne voulons pas connaître tes
voies.
- Qu'est-ce que le Tout Puissant,
pour que nous le servions? Que gagnerions-nous à lui
adresser nos prières?
- Quoi donc! ne sont-ils pas en
possession du bonheur? -Loin de moi le conseil des
méchants!
- Mais arrive-t-il souvent que leur
lampe s'éteigne, Que la misère fonde sur eux, Que
Dieu leur distribue leur part dans sa colère,
- Qu'ils soient comme la paille
emportée par le vent, Comme la balle enlevée par le
tourbillon?
- Est-ce pour les fils que Dieu
réserve le châtiment du père? Mais c'est lui
que Dieu devrait punir, pour qu'il le sente;
- C'est lui qui devrait contempler
sa propre ruine, C'est lui qui devrait boire la colère du
Tout Puissant.
- Car, que lui importe sa maison
après lui, Quand le nombre de ses mois est
achevé?
- Est-ce à Dieu qu'on
donnera de la science, A lui qui gouverne les esprits
célestes?
- L'un meurt au sein du
bien-être, De la paix et du bonheur,
- Les flancs chargés de
graisse Et la moelle des os remplie de sève;
- L'autre meurt, l'amertume dans
l'âme, Sans avoir joui d'aucun bien.
- Et tous deux se couchent dans la
poussière, Tous deux deviennent la pâture des
vers.
- Je sais bien quelles sont vos
pensées, Quels jugements iniques vous portez sur
moi.
- Vous dites: Où est la
maison de l'homme puissant? Où est la tente qu'habitaient
les impies?
- Mais quoi! n'avez-vous point
interrogé les voyageurs, Et voulez-vous
méconnaître ce qu'ils prouvent?
- Au jour du malheur, le
méchant est épargné; Au jour de la
colère, il échappe.
- Qui lui reproche en face sa
conduite? Qui lui rend ce qu'il a fait?
- Il est porté dans un
sépulcre, Et il veille encore sur sa tombe.
- Les mottes de la vallée
lui sont légères; Et tous après lui suivront
la même voie, Comme une multitude l'a déjà
suivie.
- Pourquoi donc m'offrir de vaines
consolations? Ce qui reste de vos réponses n'est que
perfidie.
[ Début ]
Chapitre 22
- Éliphaz de Théman
prit la parole et dit:
- Un homme peut-il être utile
à Dieu? Non; le sage n'est utile qu'à
lui-même.
- Si tu es juste, est-ce à
l'avantage du Tout Puissant? Si tu es intègre dans tes
voies, qu'y gagne-t-il?
- Est-ce par crainte de toi qu'il
te châtie, Qu'il entre en jugement avec toi?
- Ta méchanceté
n'est-elle pas grande? Tes iniquités ne sont-elles pas
infinies?
- Tu enlevais sans motif des gages
à tes frères, Tu privais de leurs vêtements
ceux qui étaient nus;
- Tu ne donnais point d'eau
à l'homme altéré, Tu refusais du pain
à l'homme affamé.
- Le pays était au plus
fort, Et le puissant s'y établissait.
- Tu renvoyais les veuves à
vide; Les bras des orphelins étaient brisés.
- C'est pour cela que tu es
entouré de pièges, Et que la terreur t'a saisi tout
à coup.
- Ne vois-tu donc pas ces
ténèbres, Ces eaux débordées qui
t'envahissent?
- Dieu n'est-il pas en haut dans
les cieux? Regarde le sommet des étoiles, comme il est
élevé!
- Et tu dis: Qu'est-ce que Dieu
sait? Peut-il juger à travers l'obscurité?
- Les nuées l'enveloppent,
et il ne voit rien; Il ne parcourt que la voûte des
cieux.
- Eh quoi! tu voudrais prendre
l'ancienne route Qu'ont suivie les hommes
d'iniquité?
- Ils ont été
emportés avant le temps, Ils ont eu la durée d'un
torrent qui s'écoule.
- Ils disaient à Dieu:
Retire-toi de nous; Que peut faire pour nous le Tout
Puissant?
- Dieu cependant avait rempli de
biens leurs maisons. -Loin de moi le conseil des
méchants!
- Les justes, témoins de
leur chute, se réjouiront, Et l'innocent se moquera
d'eux:
- Voilà nos adversaires
anéantis! Voilà leurs richesses
dévorées par le feu!
- Attache-toi donc à Dieu,
et tu auras la paix; Tu jouiras ainsi du bonheur.
- Reçois de sa bouche
l'instruction, Et mets dans ton coeur ses paroles.
- Tu seras rétabli, si tu
reviens au Tout Puissant, Si tu éloignes l'iniquité
de ta tente.
- Jette l'or dans la
poussière, L'or d'Ophir parmi les cailloux des
torrents;
- Et le Tout Puissant sera ton or,
Ton argent, ta richesse.
- Alors tu feras du Tout Puissant
tes délices, Tu élèveras vers Dieu ta
face;
- Tu le prieras, et il t'exaucera,
Et tu accompliras tes voeux.
- A tes résolutions
répondra le succès; Sur tes sentiers brillera la
lumière.
- Vienne l'humiliation, tu prieras
pour ton relèvement: Dieu secourt celui dont le regard est
abattu.
- Il délivrera même le
coupable, Qui devra son salut à la pureté de tes
mains.
[ Début ]
Chapitre 23
- Job prit la parole et dit:
- Maintenant encore ma plainte est
une révolte, Mais la souffrance étouffe mes
soupirs.
- Oh! si je savais où le
trouver, Si je pouvais arriver jusqu'à son
trône,
- Je plaiderais ma cause devant
lui, Je remplirais ma bouche d'arguments,
- Je connaîtrais ce qu'il
peut avoir à répondre, Je verrais ce qu'il peut
avoir à me dire.
- Emploierait-il toute sa force
à me combattre? Ne daignerait-il pas au moins
m'écouter?
- Ce serait un homme droit qui
plaiderait avec lui, Et je serais pour toujours absous par mon
juge.
- Mais, si je vais à
l'orient, il n'y est pas; Si je vais à l'occident, je ne le
trouve pas;
- Est-il occupé au nord, je
ne puis le voir; Se cache-t-il au midi, je ne puis le
découvrir.
- Il sait néanmoins quelle
voie j'ai suivie; Et, s'il m'éprouvait, je sortirais pur
comme l'or.
- Mon pied s'est attaché
à ses pas; J'ai gardé sa voie, et je ne m'en suis
point détourné.
- Je n'ai pas abandonné les
commandements de ses lèvres; J'ai fait plier ma
volonté aux paroles de sa bouche.
- Mais sa résolution est
arrêtée; qui s'y opposera? Ce que son âme
désire, il l'exécute.
- Il accomplira donc ses desseins
à mon égard, Et il en concevra bien d'autres
encore.
- Voilà pourquoi sa
présence m'épouvante; Quand j'y pense, j'ai peur de
lui.
- Dieu a brisé mon courage,
Le Tout Puissant m'a rempli d'effroi.
- Car ce ne sont pas les
ténèbres qui m'anéantissent, Ce n'est pas
l'obscurité dont je suis couvert.
[ Début ]
Chapitre 24
- Pourquoi le Tout Puissant ne
met-il pas des temps en réserve, Et pourquoi ceux qui le
connaissent ne voient-ils pas ses jours?
- On déplace les bornes, On
vole des troupeaux, et on les fait paître;
- On enlève l'âne de
l'orphelin, On prend pour gage le boeuf de la veuve;
- On repousse du chemin les
indigents, On force tous les malheureux du pays à se
cacher.
- Et voici, comme les ânes
sauvages du désert, Ils sortent le matin pour chercher de
la nourriture, Ils n'ont que le désert pour trouver le pain
de leurs enfants;
- Ils coupent le fourrage qui reste
dans les champs, Ils grappillent dans la vigne de l'impie;
- Ils passent la nuit dans la
nudité, sans vêtement, Sans couverture contre le
froid;
- Ils sont percés par la
pluie des montagnes, Et ils embrassent les rochers comme unique
refuge.
- On arrache l'orphelin à la
mamelle, On prend des gages sur le pauvre.
- Ils vont tout nus, sans
vêtement, Ils sont affamés, et ils portent les
gerbes;
- Dans les enclos de l'impie ils
font de l'huile, Ils foulent le pressoir, et ils ont soif;
- Dans les villes s'exhalent les
soupirs des mourants, L'âme des blessés jette des
cris... Et Dieu ne prend pas garde à ces infamies!
- D'autres sont ennemis de la
lumière, Ils n'en connaissent pas les voies, Ils n'en
pratiquent pas les sentiers.
- L'assassin se lève au
point du jour, Tue le pauvre et l'indigent, Et il dérobe
pendant la nuit.
- L'oeil de l'adultère
épie le crépuscule; Personne ne me verra, dit-il, Et
il met un voile sur sa figure.
- La nuit ils forcent les maisons,
Le jour ils se tiennent enfermés; Ils ne connaissent pas la
lumière.
- Pour eux, le matin c'est l'ombre
de la mort, Ils en éprouvent toutes les terreurs.
- Eh quoi! l'impie est d'un poids
léger sur la face des eaux, Il n'a sur la terre qu'une part
maudite, Il ne prend jamais le chemin des vignes!
- Comme la sécheresse et la
chaleur absorbent les eaux de la neige, Ainsi le séjour des
morts engloutit ceux qui pèchent!
- Quoi! le sein maternel l'oublie,
Les vers en font leurs délices, On ne se souvient plus de
lui! L'impie est brisé comme un arbre,
- Lui qui dépouille la femme
stérile et sans enfants, Lui qui ne répand aucun
bienfait sur la veuve!...
- Non! Dieu par sa force prolonge
les jours des violents, Et les voilà debout quand ils
désespéraient de la vie;
- Il leur donne de la
sécurité et de la confiance, Il a les regards sur
leurs voies.
- Ils se sont élevés;
et en un instant ils ne sont plus, Ils tombent, ils meurent comme
tous les hommes, Ils sont coupés comme la tête des
épis.
- S'il n'en est pas ainsi, qui me
démentira, Qui réduira mes paroles à
néant?
[ Début ]
Chapitre 25
- Bildad de Schuach prit la parole
et dit:
- La puissance et la terreur
appartiennent à Dieu; Il fait régner la paix dans
ses hautes régions.
- Ses armées ne sont-elles
pas innombrables? Sur qui sa lumière ne se
lève-t-elle pas?
- Comment l'homme serait-il juste
devant Dieu? Comment celui qui est né de la femme serait-il
pur?
- Voici, la lune même n'est
pas brillante, Et les étoiles ne sont pas pures à
ses yeux;
- Combien moins l'homme, qui n'est
qu'un ver, Le fils de l'homme, qui n'est qu'un vermisseau!
[ Début ]
Chapitre 26
- Job prit la parole et dit:
- Comme tu sais bien venir en aide
à la faiblesse! Comme tu prêtes secours au bras sans
force!
- Quels bons conseils tu donnes
à celui qui manque d'intelligence! Quelle abondance de
sagesse tu fais paraître!
- A qui s'adressent tes paroles? Et
qui est-ce qui t'inspire?
- Devant Dieu les ombres tremblent
Au-dessous des eaux et de leurs habitants;
- Devant lui le séjour des
morts est nu, L'abîme n'a point de voile.
- Il étend le septentrion
sur le vide, Il suspend la terre sur le néant.
- Il renferme les eaux dans ses
nuages, Et les nuages n'éclatent pas sous leur
poids.
- Il couvre la face de son
trône, Il répand sur lui sa nuée.
- Il a tracé un cercle
à la surface des eaux, Comme limite entre la lumière
et les ténèbres.
- Les colonnes du ciel
s'ébranlent, Et s'étonnent à sa
menace.
- Par sa force il soulève la
mer, Par son intelligence il en brise l'orgueil.
- Son souffle donne au ciel la
sérénité, Sa main transperce le serpent
fuyard.
- Ce sont là les bords de
ses voies, C'est le bruit léger qui nous en parvient; Mais
qui entendra le tonnerre de sa puissance?
[ Début ]
Chapitre 27
- Job prit de nouveau la parole
sous forme sentencieuse et dit:
- Dieu qui me refuse justice est
vivant! Le Tout Puissant qui remplit mon âme d'amertume est
vivant!
- Aussi longtemps que j'aurai ma
respiration, Et que le souffle de Dieu sera dans mes
narines,
- Mes lèvres ne prononceront
rien d'injuste, Ma langue ne dira rien de faux.
- Loin de moi la pensée de
vous donner raison! Jusqu'à mon dernier soupir je
défendrai mon innocence;
- Je tiens à me justifier,
et je ne faiblirai pas; Mon coeur ne me fait de reproche sur aucun
de mes jours.
- Que mon ennemi soit comme le
méchant, Et mon adversaire comme l'impie!
- Quelle espérance
reste-t-il à l'impie, Quand Dieu coupe le fil de sa vie,
Quand il lui retire son âme?
- Est-ce que Dieu écoute ses
cris, Quand l'angoisse vient l'assaillir?
- Fait-il du Tout Puissant ses
délices? Adresse-t-il en tout temps ses prières
à Dieu?
- Je vous enseignerai les voies de
Dieu, Je ne vous cacherai pas les desseins du Tout
Puissant.
- Mais vous les connaissez, et vous
êtes d'accord; Pourquoi donc vous laisser aller à de
vaines pensées?
- Voici la part que Dieu
réserve au méchant, L'héritage que le Tout
Puissant destine à l'impie.
- S'il a des fils en grand nombre,
c'est pour le glaive, Et ses rejetons manquent de pain;
- Ceux qui échappent sont
enterrés par la peste, Et leurs veuves ne les pleurent
pas.
- S'il amasse l'argent comme la
poussière, S'il entasse les vêtements comme la
boue,
- C'est lui qui entasse, mais c'est
le juste qui se revêt, C'est l'homme intègre qui a
l'argent en partage.
- Sa maison est comme celle que
bâtit la teigne, Comme la cabane que fait un gardien.
- Il se couche riche, et il meurt
dépouillé; Il ouvre les yeux, et tout a
disparu.
- Les terreurs le surprennent comme
des eaux; Un tourbillon l'enlève au milieu de la
nuit.
- Le vent d'orient l'emporte, et il
s'en va; Il l'arrache violemment de sa demeure.
- Dieu lance sans pitié des
traits contre lui, Et le méchant voudrait fuir pour les
éviter.
- On bat des mains à sa
chute, Et on le siffle à son départ.
[ Début ]
Chapitre 28
- Il y a pour l'argent une mine
d'où on le fait sortir, Et pour l'or un lieu d'où on
l'extrait pour l'affiner;
- Le fer se tire de la
poussière, Et la pierre se fond pour produire
l'airain.
- L'homme fait cesser les
ténèbres; Il explore, jusque dans les endroits les
plus profonds, Les pierres cachées dans l'obscurité
et dans l'ombre de la mort.
- Il creuse un puits loin des lieux
habités; Ses pieds ne lui sont plus en aide, Et il est
suspendu, balancé, loin des humains.
- La terre, d'où sort le
pain, Est bouleversée dans ses entrailles comme par le
feu.
- Ses pierres contiennent du
saphir, Et l'on y trouve de la poudre d'or.
- L'oiseau de proie n'en
connaît pas le sentier, L'oeil du vautour ne l'a point
aperçu;
- Les plus fiers animaux ne l'ont
point foulé, Le lion n'y a jamais passé.
- L'homme porte sa main sur le roc,
Il renverse les montagnes depuis la racine;
- Il ouvre des tranchées
dans les rochers, Et son oeil contemple tout ce qu'il y a de
précieux;
- Il arrête
l'écoulement des eaux, Et il produit à la
lumière ce qui est caché.
- Mais la sagesse, où se
trouve-t-elle? Où est la demeure de l'intelligence?
- L'homme n'en connaît point
le prix; Elle ne se trouve pas dans la terre des vivants.
- L'abîme dit: Elle n'est
point en moi; Et la mer dit: Elle n'est point avec moi.
- Elle ne se donne pas contre de
l'or pur, Elle ne s'achète pas au poids de l'argent;
- Elle ne se pèse pas contre
l'or d'Ophir, Ni contre le précieux onyx, ni contre le
saphir;
- Elle ne peut se comparer à
l'or ni au verre, Elle ne peut s'échanger pour un vase d'or
fin.
- Le corail et le cristal ne sont
rien auprès d'elle: La sagesse vaut plus que les
perles.
- La topaze d'Éthiopie n'est
point son égale, Et l'or pur n'entre pas en balance avec
elle.
- D'où vient donc la
sagesse? Où est la demeure de l'intelligence?
- Elle est cachée aux yeux
de tout vivant, Elle est cachée aux oiseaux du ciel.
- Le gouffre et la mort disent:
Nous en avons entendu parler.
- C'est Dieu qui en sait le chemin,
C'est lui qui en connaît la demeure;
- Car il voit jusqu'aux
extrémités de la terre, Il aperçoit tout sous
les cieux.
- Quand il régla le poids du
vent, Et qu'il fixa la mesure des eaux,
- Quand il donna des lois à
la pluie, Et qu'il traça la route de l'éclair et du
tonnerre,
- Alors il vit la sagesse et la
manifesta, Il en posa les fondements et la mit à
l'épreuve.
- Puis il dit à l'homme:
Voici, la crainte du Seigneur, c'est la sagesse; S'éloigner
du mal, c'est l'intelligence.
[ Début ]
Chapitre 29
- Job prit de nouveau la parole
sous forme sentencieuse et dit:
- Oh! que ne puis-je être
comme aux mois du passé, Comme aux jours où Dieu me
gardait,
- Quand sa lampe brillait sur ma
tête, Et que sa lumière me guidait dans les
ténèbres!
- Que ne suis-je comme aux jours de
ma vigueur, Où Dieu veillait en ami sur ma tente,
- Quand le Tout Puissant
était encore avec moi, Et que mes enfants
m'entouraient;
- Quand mes pieds se baignaient
dans la crème Et que le rocher répandait près
de moi des ruisseaux d'huile!
- Si je sortais pour aller à
la porte de la ville, Et si je me faisais préparer un
siège dans la place,
- Les jeunes gens se retiraient
à mon approche, Les vieillards se levaient et se tenaient
debout.
- Les princes arrêtaient
leurs discours, Et mettaient la main sur leur bouche;
- La voix des chefs se taisait, Et
leur langue s'attachait à leur palais.
- L'oreille qui m'entendait me
disait heureux, L'oeil qui me voyait me rendait
témoignage;
- Car je sauvais le pauvre qui
implorait du secours, Et l'orphelin qui manquait d'appui.
- La bénédiction du
malheureux venait sur moi; Je remplissais de joie le coeur de la
veuve.
- Je me revêtais de la
justice et je lui servais de vêtement, J'avais ma droiture
pour manteau et pour turban.
- J'étais l'oeil de
l'aveugle Et le pied du boiteux.
- J'étais le père des
misérables, J'examinais la cause de l'inconnu;
- Je brisais la mâchoire de
l'injuste, Et j'arrachais de ses dents la proie.
- Alors je disais: Je mourrai dans
mon nid, Mes jours seront abondants comme le sable;
- L'eau pénétrera
dans mes racines, La rosée passera la nuit sur mes
branches;
- Ma gloire reverdira sans cesse,
Et mon arc rajeunira dans ma main.
- On m'écoutait et l'on
restait dans l'attente, On gardait le silence devant mes
conseils.
- Après mes discours, nul ne
répliquait, Et ma parole était pour tous une
bienfaisante rosée;
- Ils comptaient sur moi comme sur
la pluie, Ils ouvraient la bouche comme pour une pluie du
printemps.
- Je leur souriais quand ils
perdaient courage, Et l'on ne pouvait chasser la
sérénité de mon front.
- J'aimais à aller vers eux,
et je m'asseyais à leur tête; J'étais comme un
roi au milieu d'une troupe, Comme un consolateur auprès des
affligés.
[ Début ]
Chapitre 30
- Et maintenant!... je suis la
risée de plus jeunes que moi, De ceux dont je
dédaignais de mettre les pères Parmi les chiens de
mon troupeau.
- Mais à quoi me servirait
la force de leurs mains? Ils sont incapables d'atteindre la
vieillesse.
- Desséchés par la
misère et la faim, Ils fuient dans les lieux arides, Depuis
longtemps abandonnés et déserts;
- Ils arrachent près des
arbrisseaux les herbes sauvages, Et ils n'ont pour pain que la
racine des genêts.
- On les chasse du milieu des
hommes, On crie après eux comme après des
voleurs.
- Ils habitent dans d'affreuses
vallées, Dans les cavernes de la terre et dans les
rochers;
- Ils hurlent parmi les buissons,
Ils se rassemblent sous les ronces.
- Etres vils et
méprisés, On les repousse du pays.
- Et maintenant, je suis l'objet de
leurs chansons, Je suis en butte à leurs propos.
- Ils ont horreur de moi, ils se
détournent, Ils me crachent au visage.
- Ils n'ont plus de retenue et ils
m'humilient, Ils rejettent tout frein devant moi.
- Ces misérables se
lèvent à ma droite et me poussent les pieds, Ils se
fraient contre moi des sentiers pour ma ruine;
- Ils détruisent mon propre
sentier et travaillent à ma perte, Eux à qui
personne ne viendrait en aide;
- Ils arrivent comme par une large
brèche, Ils se précipitent sous les
craquements.
- Les terreurs m'assiègent;
Ma gloire est emportée comme par le vent, Mon bonheur a
passé comme un nuage.
- Et maintenant, mon âme
s'épanche en mon sein, Les jours de la souffrance m'ont
saisi.
- La nuit me perce et m'arrache les
os, La douleur qui me ronge ne se donne aucun repos,
- Par la violence du mal mon
vêtement perd sa forme, Il se colle à mon corps comme
ma tunique.
- Dieu m'a jeté dans la
boue, Et je ressemble à la poussière et à la
cendre.
- Je crie vers toi, et tu ne me
réponds pas; Je me tiens debout, et tu me lances ton
regard.
- Tu deviens cruel contre moi, Tu
me combats avec la force de ta main.
- Tu mu soulèves, tu mu fais
voler au-dessus du vent, Et tu m'anéantis au bruit de la
tempête.
- Car, je le sais, tu me
mènes à la mort, Au rendez-vous de tous les
vivants.
- Mais celui qui va périr
n'étend-il pas les mains? Celui qui est dans le malheur
n'implore-t-il pas du secours?
- N'avais-je pas des larmes pour
l'infortuné? Mon coeur n'avait-il pas pitié de
l'indigent?
- J'attendais le bonheur, et le
malheur est arrivé; J'espérais la lumière, et
les ténèbres sont venues.
- Mes entrailles bouillonnent sans
relâche, Les jours de la calamité m'ont
surpris.
- Je marche noirci, mais non par le
soleil; Je me lève en pleine assemblée, et je
crie.
- Je suis devenu le frère
des chacals, Le compagnon des autruches.
- Ma peau noircit et tombe, Mes os
brûlent et se dessèchent.
- Ma harpe n'est plus qu'un
instrument de deuil, Et mon chalumeau ne peut rendre que des sons
plaintifs.
[ Début ]
Chapitre 31
- J'avais fait un pacte avec mes
yeux, Et je n'aurais pas arrêté mes regards sur une
vierge.
- Quelle part Dieu m'eût-il
réservée d'en haut? Quel héritage le Tout
Puissant m'eût-il envoyé des cieux?
- La ruine n'est-elle pas pour le
méchant, Et le malheur pour ceux qui commettent
l'iniquité?
- Dieu n'a-t-il pas connu mes
voies? N'a-t-il pas compté tous mes pas?
- Si j'ai marché dans le
mensonge, Si mon pied a couru vers la fraude,
- Que Dieu me pèse dans des
balances justes, Et il reconnaîtra mon
intégrité!
- Si mon pas s'est
détourné du droit chemin, Si mon coeur a suivi mes
yeux, Si quelque souillure s'est attachée à mes
mains,
- Que je sème et qu'un autre
moissonne, Et que mes rejetons soient
déracinés!
- Si mon coeur a été
séduit par une femme, Si j'ai fait le guet à la
porte de mon prochain,
- Que ma femme tourne la meule pour
un autre, Et que d'autres la déshonorent!
- Car c'est un crime, Un forfait
que punissent les juges;
- C'est un feu qui dévore
jusqu'à la ruine, Et qui aurait détruit toute ma
richesse.
- Si j'ai méprisé le
droit de mon serviteur ou de ma servante Lorsqu'ils étaient
en contestation avec moi,
- Qu'ai-je à faire, quand
Dieu se lève? Qu'ai-je à répondre, quand il
châtie?
- Celui qui m'a créé
dans le ventre de ma mère ne l'a-t-il pas
créé? Le même Dieu ne nous a-t-il pas
formés dans le sein maternel?
- Si j'ai refusé aux pauvres
ce qu'ils demandaient, Si j'ai fait languir les yeux de la
veuve,
- Si j'ai mangé seul mon
pain, Sans que l'orphelin en ait eu sa part,
- Moi qui l'ai dès ma
jeunesse élevé comme un père, Moi qui
dès ma naissance ai soutenu la veuve;
- Si j'ai vu le malheureux manquer
de vêtements, L'indigent n'avoir point de couverture,
- Sans que ses reins m'aient
béni, Sans qu'il ait été
réchauffé par la toison de mes agneaux;
- Si j'ai levé la main
contre l'orphelin, Parce que je me sentais un appui dans les
juges;
- Que mon épaule se
détache de sa jointure, Que mon bras tombe et qu'il se
brise!
- Car les châtiments de Dieu
m'épouvantent, Et je ne puis rien devant sa
majesté.
- Si j'ai mis dans l'or ma
confiance, Si j'ai dit à l'or: Tu es mon espoir;
- Si je me suis réjoui de la
grandeur de mes biens, De la quantité des richesses que
j'avais acquises;
- Si j'ai regardé le soleil
quand il brillait, La lune quand elle s'avançait
majestueuse,
- Et si mon coeur s'est
laissé séduire en secret, Si ma main s'est
portée sur ma bouche;
- C'est encore un crime que doivent
punir les juges, Et j'aurais renié le Dieu d'en
haut!
- Si j'ai été joyeux
du malheur de mon ennemi, Si j'ai sauté d'allégresse
quand les revers l'ont atteint,
- Moi qui n'ai pas permis à
ma langue de pécher, De demander sa mort avec
imprécation;
- Si les gens de ma tente ne
disaient pas: Où est celui qui n'a pas été
rassasié de sa viande?
- Si l'étranger passait la
nuit dehors, Si je n'ouvrais pas ma porte au voyageur;
- Si, comme les hommes, j'ai
caché mes transgressions, Et renfermé mes
iniquités dans mon sein,
- Parce que j'avais peur de la
multitude, Parce que je craignais le mépris des familles,
Me tenant à l'écart et n'osant franchir ma
porte...
- Oh! qui me fera trouver quelqu'un
qui m'écoute? Voilà ma défense toute
signée: Que le Tout Puissant me réponde! Qui me
donnera la plainte écrite par mon adversaire?
- Je porterai son écrit sur
mon épaule, Je l'attacherai sur mon front comme une
couronne;
- Je lui rendrai compte de tous mes
pas, Je m'approcherai de lui comme un prince.
- Si ma terre crie contre moi, Et
que ses sillons versent des larmes;
- Si j'en ai mangé le
produit sans l'avoir payée, Et que j'aie attristé
l'âme de ses anciens maîtres;
- Qu'il y croisse des épines
au lieu de froment, Et de l'ivraie au lieu d'orge! Fin des paroles
de Job.
[ Début ]
Chapitre 32
- Ces trois hommes cessèrent
de répondre à Job, parce qu'il se regardait comme
juste.
- Alors s'enflamma de colère
Élihu, fils de Barakeel de Buz, de la famille de Ram. Sa
colère s'enflamma contre Job, parce qu'il se disait juste
devant Dieu.
- Et sa colère s'enflamma
contre ses trois amis, parce qu'ils ne trouvaient rien à
répondre et que néanmoins ils condamnaient
Job.
- Comme ils étaient plus
âgés que lui, Élihu avait attendu
jusqu'à ce moment pour parler à Job.
- Mais, voyant qu'il n'y avait plus
de réponse dans la bouche de ces trois hommes, Élihu
s'enflamma de colère.
- Et Élihu, fils de Barakeel
de Buz, prit la parole et dit: Je suis jeune, et vous êtes
des vieillards; C'est pourquoi j'ai craint, j'ai redouté De
vous faire connaître mon sentiment.
- Je disais en moi-même: Les
jours parleront, Le grand nombre des années enseignera la
sagesse.
- Mais en réalité,
dans l'homme, c'est l'esprit, Le souffle du Tout Puissant, qui
donne l'intelligence;
- Ce n'est pas l'âge qui
procure la sagesse, Ce n'est pas la vieillesse qui rend capable de
juger.
- Voilà pourquoi je dis:
Écoute! Moi aussi, j'exposerai ma pensée.
- J'ai attendu la fin de vos
discours, J'ai suivi vos raisonnements, Votre examen des paroles
de Job.
- Je vous ai donné toute mon
attention; Et voici, aucun de vous ne l'a convaincu, Aucun n'a
réfuté ses paroles.
- Ne dites pas cependant: En lui
nous avons trouvé la sagesse; C'est Dieu qui peut le
confondre, ce n'est pas un homme!
- Il ne s'est pas adressé
directement à moi: Aussi lui répondrai-je tout
autrement que vous.
- Ils ont peur, ils ne
répondent plus! Ils ont la parole coupée!
- J'ai attendu qu'ils eussent fini
leurs discours, Qu'ils s'arrêtassent et ne sussent que
répliquer.
- A mon tour, je veux
répondre aussi, Je veux dire aussi ce que je pense.
- Car je suis plein de paroles,
L'esprit me presse au dedans de moi;
- Mon intérieur est comme un
vin qui n'a pas d'issue, Comme des outres neuves qui vont
éclater.
- Je parlerai pour respirer
à l'aise, J'ouvrirai mes lèvres et je
répondrai.
- Je n'aurai point égard
à l'apparence, Et je ne flatterai personne;
- Car je ne sais pas flatter: Mon
créateur m'enlèverait bien vite.
[ Début ]
Chapitre 33
- Maintenant donc, Job,
écoute mes discours, Prête l'oreille à toutes
mes paroles!
- Voici, j'ouvre la bouche, Ma
langue se remue dans mon palais.
- C'est avec droiture de coeur que
je vais parler, C'est la vérité pure qu'exprimeront
mes lèvres:
- L'esprit de Dieu m'a
créé, Et le souffle du Tout Puissant m'anime.
- Si tu le peux,
réponds-moi, Défends ta cause, tiens-toi
prêt!
- Devant Dieu je suis ton
semblable, J'ai été comme toi formé de la
boue;
- Ainsi mes terreurs ne te
troubleront pas, Et mon poids ne saurait t'accabler.
- Mais tu as dit à mes
oreilles, Et j'ai entendu le son de tes paroles:
- Je suis pur, je suis sans
péché, Je suis net, il n'y a point en moi
d'iniquité.
- Et Dieu trouve contre moi des
motifs de haine, Il me traite comme son ennemi;
- Il met mes pieds dans les ceps,
Il surveille tous mes mouvements.
- Je te répondrai qu'en cela
tu n'as pas raison, Car Dieu est plus grand que l'homme.
- Veux-tu donc disputer avec lui,
Parce qu'il ne rend aucun compte de ses actes?
- Dieu parle cependant,
tantôt d'une manière, Tantôt d'une autre, et
l'on n'y prend point garde.
- Il parle par des songes, par des
visions nocturnes, Quand les hommes sont livrés à un
profond sommeil, Quand ils sont endormis sur leur couche.
- Alors il leur donne des
avertissements Et met le sceau à ses instructions,
- Afin de détourner l'homme
du mal Et de le préserver de l'orgueil,
- Afin de garantir son âme de
la fosse Et sa vie des coups du glaive.
- Par la douleur aussi l'homme est
repris sur sa couche, Quand une lutte continue vient agiter ses
os.
- Alors il prend en
dégoût le pain, Même les aliments les plus
exquis;
- Sa chair se consume et
disparaît, Ses os qu'on ne voyait pas sont mis à
nu;
- Son âme s'approche de la
fosse, Et sa vie des messagers de la mort.
- Mais s'il se trouve pour lui un
ange intercesseur, Un d'entre les mille Qui annoncent à
l'homme la voie qu'il doit suivre,
- Dieu a compassion de lui et dit
à l'ange: Délivre-le, afin qu'il ne descende pas
dans la fosse; J'ai trouvé une rançon!
- Et sa chair a plus de
fraîcheur qu'au premier âge, Il revient aux jours de
sa jeunesse.
- Il adresse à Dieu sa
prière; et Dieu lui est propice, Lui laisse voir sa face
avec joie, Et lui rend son innocence.
- Il chante devant les hommes et
dit: J'ai péché, j'ai violé la justice, Et je
n'ai pas été puni comme je le
méritais;
- Dieu a délivré mon
âme pour qu'elle n'entrât pas dans la fosse, Et ma vie
s'épanouit à la lumière!
- Voilà tout ce que Dieu
fait, Deux fois, trois fois, avec l'homme,
- Pour ramener son âme de la
fosse, Pour l'éclairer de la lumière des
vivants.
- Sois attentif, Job,
écoute-moi! Tais-toi, et je parlerai!
- Si tu as quelque chose à
dire, réponds-moi! Parle, car je voudrais te donner
raison.
- Si tu n'as rien à dire,
écoute-moi! Tais-toi, et je t'enseignerai la
sagesse.
[ Début ]
Chapitre 34
- Élihu reprit et
dit:
- Sages, écoutez mes
discours! Vous qui êtes intelligents, prêtez-moi
l'oreille!
- Car l'oreille discerne les
paroles, Comme le palais savoure les aliments.
- Choisissons ce qui est juste,
Voyons entre nous ce qui est bon.
- Job dit: Je suis innocent, Et
Dieu me refuse justice;
- J'ai raison, et je passe pour
menteur; Ma plaie est douloureuse, et je suis sans
péché.
- Y a-t-il un homme semblable
à Job, Buvant la raillerie comme l'eau,
- Marchant en société
de ceux qui font le mal, Cheminant de pair avec les impies?
- Car il a dit: Il est inutile
à l'homme De mettre son plaisir en Dieu.
- Écoutez-moi donc, hommes
de sens! Loin de Dieu l'injustice, Loin du Tout Puissant
l'iniquité!
- Il rend à l'homme selon
ses oeuvres, Il rétribue chacun selon ses voies.
- Non certes, Dieu ne commet pas
l'iniquité; Le Tout Puissant ne viole pas la
justice.
- Qui l'a chargé de
gouverner la terre? Qui a confié l'univers à ses
soins?
- S'il ne pensait qu'à
lui-même, S'il retirait à lui son esprit et son
souffle,
- Toute chair périrait
soudain, Et l'homme rentrerait dans la poussière.
- Si tu as de l'intelligence,
écoute ceci, Prête l'oreille au son de mes
paroles!
- Un ennemi de la justice
régnerait-il? Et condamneras-tu le juste, le
puissant,
- Qui proclame la
méchanceté des rois Et l'iniquité des
princes,
- Qui n'a point égard
à l'apparence des grands Et ne distingue pas le riche du
pauvre, Parce que tous sont l'ouvrage de ses mains?
- En un instant, ils perdent la
vie; Au milieu de la nuit, un peuple chancelle et périt; Le
puissant disparaît, sans la main d'aucun homme.
- Car Dieu voit la conduite de
tous, Il a les regards sur les pas de chacun.
- Il n'y a ni
ténèbres ni ombre de la mort, Où puissent se
cacher ceux qui commettent l'iniquité.
- Dieu n'a pas besoin d'observer
longtemps, Pour qu'un homme entre en jugement avec lui;
- Il brise les grands sans
information, Et il met d'autres à leur place;
- Car il connaît leurs
oeuvres. Ils les renverse de nuit, et ils sont
écrasés;
- Il les frappe comme des impies, A
la face de tous les regards.
- En se détournant de lui,
En abandonnant toutes ses voies,
- Ils ont fait monter à Dieu
le cri du pauvre, Ils l'ont rendu attentif aux cris des
malheureux.
- S'il donne le repos, qui
répandra le trouble? S'il cache sa face, qui pourra le
voir? Il traite à l'égal soit une nation, soit un
homme,
- Afin que l'impie ne domine plus,
Et qu'il ne soit plus un piège pour le peuple.
- Car a-t-il jamais dit à
Dieu: J'ai été châtié, je ne
pécherai plus;
- Montre-moi ce que je ne vois pas;
Si j'ai commis des injustices, je n'en commettrai plus?
- Est-ce d'après toi que
Dieu rendra la justice? C'est toi qui rejettes, qui choisis, mais
non pas moi; Ce que tu sais, dis-le donc!
- Les hommes de sens seront de mon
avis, Le sage qui m'écoute pensera comme moi.
- Job parle sans intelligence, Et
ses discours manquent de raison.
- Qu'il continue donc à
être éprouvé, Puisqu'il répond comme
font les méchants!
- Car il ajoute à ses fautes
de nouveaux péchés; Il bat des mains au milieu de
nous, Il multiplie ses paroles contre Dieu.
[ Début ]
Chapitre 35
- Élihu reprit et
dit:
- Imagines-tu avoir raison,
Penses-tu te justifier devant Dieu,
- Quand tu dis: Que me sert-il, Que
me revient-il de ne pas pécher?
- C'est à toi que je vais
répondre, Et à tes amis en même temps.
- Considère les cieux, et
regarde! Vois les nuées, comme elles sont au-dessus de
toi!
- Si tu pèches, quel tort
lui causes-tu? Et quand tes péchés se multiplient,
que lui fais-tu?
- Si tu es juste, que lui
donnes-tu? Que reçoit-il de ta main?
- Ta méchanceté ne
peut nuire qu'à ton semblable, Ta justice n'est utile qu'au
fils de l'homme.
- On crie contre la multitude des
oppresseurs, On se plaint de la violence d'un grand nombre;
- Mais nul ne dit: Où est
Dieu, mon créateur, Qui inspire des chants
d'allégresse pendant la nuit,
- Qui nous instruit plus que les
bêtes de la terre, Et nous donne l'intelligence plus qu'aux
oiseaux du ciel?
- On a beau crier alors, Dieu ne
répond pas, A cause de l'orgueil des
méchants.
- C'est en vain que l'on crie, Dieu
n'écoute pas, Le Tout Puissant n'y a point
égard.
- Bien que tu dises que tu ne le
vois pas, Ta cause est devant lui: attends-le!
- Mais, parce que sa colère
ne sévit point encore, Ce n'est pas à dire qu'il ait
peu souci du crime.
- Ainsi Job ouvre vainement la
bouche, Il multiplie les paroles sans intelligence.
[ Début ]
Chapitre 36
- Élihu continua et
dit:
- Attends un peu, et je vais
poursuivre, Car j'ai des paroles encore pour la cause de
Dieu.
- Je prendrai mes raisons de haut,
Et je prouverai la justice de mon créateur.
- Sois-en sûr, mes discours
ne sont pas des mensonges, Mes sentiments devant toi sont
sincères.
- Dieu est puissant, mais il ne
rejette personne; Il est puissant par la force de son
intelligence.
- Il ne laisse pas vivre le
méchant, Et il fait droit aux malheureux.
- Il ne détourne pas les
yeux de dessus les justes, Il les place sur le trône avec
les rois, Il les y fait asseoir pour toujours, afin qu'ils soient
élevés.
- Viennent-ils à tomber dans
les chaînes, Sont-ils pris dans les liens de
l'adversité,
- Il leur dénonce leurs
oeuvres, Leurs transgressions, leur orgueil;
- Il les avertit pour leur
instruction, Il les exhorte à se détourner de
l'iniquité.
- S'ils écoutent et se
soumettent, Ils achèvent leurs jours dans le bonheur, Leurs
années dans la joie.
- S'ils n'écoutent pas, ils
périssent par le glaive, Ils expirent dans leur
aveuglement.
- Les impies se livrent à la
colère, Ils ne crient pas à Dieu quand il les
enchaîne;
- Ils perdent la vie dans leur
jeunesse, Ils meurent comme les débauchés.
- Mais Dieu sauve le malheureux
dans sa misère, Et c'est par la souffrance qu'il
l'avertit.
- Il te retirera aussi de la
détresse, Pour te mettre au large, en pleine
liberté, Et ta table sera chargée de mets
succulents.
- Mais si tu défends ta
cause comme un impie, Le châtiment est inséparable de
ta cause.
- Que l'irritation ne
t'entraîne pas à la moquerie, Et que la grandeur de
la rançon ne te fasse pas dévier!
- Tes cris suffiraient-ils pour te
sortir d'angoisse, Et même toutes les forces que tu pourrais
déployer?
- Ne soupire pas après la
nuit, Qui enlève les peuples de leur place.
- Garde-toi de te livrer au mal,
Car la souffrance t'y dispose.
- Dieu est grand par sa puissance;
Qui saurait enseigner comme lui?
- Qui lui prescrit ses voies? Qui
ose dire: Tu fais mal?
- Souviens-toi d'exalter ses
oeuvres, Que célèbrent tous les hommes.
- Tout homme les contemple, Chacun
les voit de loin.
- Dieu est grand, mais sa grandeur
nous échappe, Le nombre de ses années est
impénétrable.
- Il attire à lui les
gouttes d'eau, Il les réduit en vapeur et forme la
pluie;
- Les nuages la laissent couler,
Ils la répandent sur la foule des hommes.
- Et qui comprendra le
déchirement de la nuée, Le fracas de sa
tente?
- Voici, il étend autour de
lui sa lumière, Et il se cache jusque dans les profondeurs
de la mer.
- Par ces moyens il juge les
peuples, Et il donne la nourriture avec abondance.
- Il prend la lumière dans
sa main, Il la dirige sur ses adversaires.
- Il s'annonce par un grondement;
Les troupeaux pressentent son approche.
[ Début ]
Chapitre 37
- Mon coeur est tout tremblant, Il
bondit hors de sa place.
- Écoutez, écoutez le
frémissement de sa voix, Le grondement qui sort de sa
bouche!
- Il le fait rouler dans toute
l'étendue des cieux, Et son éclair brille jusqu'aux
extrémités de la terre.
- Puis éclate un
rugissement: il tonne de sa voix majestueuse; Il ne retient plus
l'éclair, dès que sa voix retentit.
- Dieu tonne avec sa voix d'une
manière merveilleuse; Il fait de grandes choses que nous ne
comprenons pas.
- Il dit à la neige: Tombe
sur la terre! Il le dit à la pluie, même aux plus
fortes pluies.
- Il met un sceau sur la main de
tous les hommes, Afin que tous se reconnaissent comme ses
créatures.
- L'animal sauvage se retire dans
une caverne, Et se couche dans sa tanière.
- L'ouragan vient du midi, Et le
froid, des vents du nord.
- Par son souffle Dieu produit la
glace, Il réduit l'espace où se répandaient
les eaux.
- Il charge de vapeurs les nuages,
Il les disperse étincelants;
- Leurs évolutions varient
selon ses desseins, Pour l'accomplissement de tout ce qu'il leur
ordonne, Sur la face de la terre habitée;
- C'est comme une verge dont il
frappe sa terre, Ou comme un signe de son amour, qu'il les fait
apparaître.
- Job, sois attentif à ces
choses! Considère encore les merveilles de Dieu!
- Sais-tu comment Dieu les dirige,
Et fait briller son nuage étincelant?
- Comprends-tu le balancement des
nuées, Les merveilles de celui dont la science est
parfaite?
- Sais-tu pourquoi tes
vêtements sont chauds Quand la terre se repose par le vent
du midi?
- Peux-tu comme lui étendre
les cieux, Aussi solides qu'un miroir de fonte?
- Fais-nous connaître ce que
nous devons lui dire; Nous sommes trop ignorants pour nous
adresser à lui.
- Lui annoncera-t-on que je
parlerai? Mais quel est l'homme qui désire sa perte?
- On ne peut fixer le soleil qui
resplendit dans les cieux, Lorsqu'un vent passe et en
ramène la pureté;
- Le septentrion le rend
éclatant comme l'or. Oh! que la majesté de Dieu est
redoutable!
- Nous ne saurions parvenir
jusqu'au Tout Puissant, Grand par la force, Par la justice, par le
droit souverain: Il ne répond pas!
- C'est pourquoi les hommes doivent
le craindre; Il ne porte les regards sur aucun sage.
[ Début ]
Chapitre 38
- L'Éternel répondit
à Job du milieu de la tempête et dit:
- Qui est celui qui obscurcit mes
desseins Par des discours sans intelligence?
- Ceins tes reins comme un vaillant
homme; Je t'interrogerai, et tu m'instruiras.
- Où étais-tu quand
je fondais la terre? Dis-le, si tu as de l'intelligence.
- Qui en a fixé les
dimensions, le sais-tu? Ou qui a étendu sur elle le
cordeau?
- Sur quoi ses bases sont-elles
appuyées? Ou qui en a posé la pierre
angulaire,
- Alors que les étoiles du
matin éclataient en chants d'allégresse, Et que tous
les fils de Dieu poussaient des cris de joie?
- Qui a fermé la mer avec
des portes, Quand elle s'élança du sein
maternel;
- Quand je fis de la nuée
son vêtement, Et de l'obscurité ses langes;
- Quand je lui imposai ma loi, Et
que je lui mis des barrières et des portes;
- Quand je dis: Tu viendras
jusqu'ici, tu n'iras pas au delà; Ici s'arrêtera
l'orgueil de tes flots?
- Depuis que tu existes, as-tu
commandé au matin? As-tu montré sa place à
l'aurore,
- Pour qu'elle saisisse les
extrémités de la terre, Et que les méchants
en soient secoués;
- Pour que la terre se transforme
comme l'argile qui reçoit une empreinte, Et qu'elle soit
parée comme d'un vêtement;
- Pour que les méchants
soient privés de leur lumière, Et que le bras qui se
lève soit brisé?
- As-tu
pénétré jusqu'aux sources de la mer? T'es-tu
promené dans les profondeurs de l'abîme?
- Les portes de la mort t'ont-elles
été ouvertes? As-tu vu les portes de l'ombre de la
mort?
- As-tu embrassé du regard
l'étendue de la terre? Parle, si tu sais toutes ces
choses.
- Où est le chemin qui
conduit au séjour de la lumière? Et les
ténèbres, où ont-elles leur demeure?
- Peux-tu les saisir à leur
limite, Et connaître les sentiers de leur habitation?
- Tu le sais, car alors tu
étais né, Et le nombre de tes jours est
grand!
- Es-tu parvenu jusqu'aux amas de
neige? As-tu vu les dépôts de grêle,
- Que je tiens en réserve
pour les temps de détresse, Pour les jours de guerre et de
bataille?
- Par quel chemin la lumière
se divise-t-elle, Et le vent d'orient se répand-il sur la
terre?
- Qui a ouvert un passage à
la pluie, Et tracé la route de l'éclair et du
tonnerre,
- Pour que la pluie tombe sur une
terre sans habitants, Sur un désert où il n'y a
point d'hommes;
- Pour qu'elle abreuve les lieux
solitaires et arides, Et qu'elle fasse germer et sortir
l'herbe?
- La pluie a-t-elle un père?
Qui fait naître les gouttes de la rosée?
- Du sein de qui sort la glace, Et
qui enfante le frimas du ciel,
- Pour que les eaux se cachent
comme une pierre, Et que la surface de l'abîme soit
enchaînée?
- Noues-tu les liens des
Pléiades, Ou détaches-tu les cordages de
l'Orion?
- Fais-tu paraître en leur
temps les signes du zodiaque, Et conduis-tu la Grande Ourse avec
ses petits?
- Connais-tu les lois du ciel?
Règles-tu son pouvoir sur la terre?
- Élèves-tu la voix
jusqu'aux nuées, Pour appeler à toi des torrents
d'eaux?
- Lances-tu les éclairs?
Partent-ils? Te disent-ils: Nous voici?
- Qui a mis la sagesse dans le
coeur, Ou qui a donné l'intelligence à
l'esprit?
- Qui peut avec sagesse compter les
nuages, Et verser les outres des cieux,
- Pour que la poussière se
mette à ruisseler, Et que les mottes de terre se collent
ensemble?
- Chasses-tu la proie pour la
lionne, Et apaises-tu la faim des lionceaux,
- Quand ils sont couchés
dans leur tanière, Quand ils sont en embuscade dans leur
repaire?
- Qui prépare au corbeau sa
pâture, Quand ses petits crient vers Dieu, Quand ils sont
errants et affamés?
[ Début ]
Chapitre 39
- Sais-tu quand les chèvres
sauvages font leurs petits? Observes-tu les biches quand elles
mettent bas?
- Comptes-tu les mois pendant
lesquels elles portent, Et connais-tu l'époque où
elles enfantent?
- Elles se courbent, laissent
échapper leur progéniture, Et sont
délivrées de leurs douleurs.
- Leurs petits prennent de la
vigueur et grandissent en plein air, Ils s'éloignent et ne
reviennent plus auprès d'elles.
- Qui met en liberté
l'âne sauvage, Et l'affranchit de tout lien?
- J'ai fait du désert son
habitation, De la terre salée sa demeure.
- Il se rit du tumulte des villes,
Il n'entend pas les cris d'un maître.
- Il parcourt les montagnes pour
trouver sa pâture, Il est à la recherche de tout ce
qui est vert.
- Le buffle veut-il être
à ton service? Passe-t-il la nuit vers ta
crèche?
- L'attaches-tu par une corde pour
qu'il trace un sillon? Va-t-il après toi briser les mottes
des vallées?
- Te reposes-tu sur lui, parce que
sa force est grande? Lui abandonnes-tu le soin de tes
travaux?
- Te fies-tu à lui pour la
rentrée de ta récolte? Est-ce lui qui doit l'amasser
dans ton aire?
- L'aile de l'autruche se
déploie joyeuse; On dirait l'aile, le plumage de la
cigogne.
- Mais l'autruche abandonne ses
oeufs à la terre, Et les fait chauffer sur la
poussière;
- Elle oublie que le pied peut les
écraser, Qu'une bête des champs peut les
fouler.
- Elle est dure envers ses petits
comme s'ils n'étaient point à elle; Elle ne
s'inquiète pas de l'inutilité de son
enfantement.
- Car Dieu lui a refusé la
sagesse, Il ne lui a pas donné l'intelligence en
partage.
- Quand elle se lève et
prend sa course, Elle se rit du cheval et de son cavalier.
- Est-ce toi qui donnes la vigueur
au cheval, Et qui revêts son cou d'une crinière
flottante?
- Le fais-tu bondir comme la
sauterelle? Son fier hennissement répand la terreur.
- Il creuse le sol et se
réjouit de sa force, Il s'élance au-devant des
armes;
- Il se rit de la crainte, il n'a
pas peur, Il ne recule pas en face de l'épée.
- Sur lui retentit le carquois,
Brillent la lance et le javelot.
- Bouillonnant d'ardeur, il
dévore la terre, Il ne peut se contenir au bruit de la
trompette.
- Quand la trompette sonne, il dit:
En avant! Et de loin il flaire la bataille, La voix tonnante des
chefs et les cris de guerre.
- Est-ce par ton intelligence que
l'épervier prend son vol, Et qu'il étend ses ailes
vers le midi?
- Est-ce par ton ordre que l'aigle
s'élève, Et qu'il place son nid sur les
hauteurs?
- C'est dans les rochers qu'il
habite, qu'il a sa demeure, Sur la cime des rochers, sur le sommet
des monts.
- De là il épie sa
proie, Il plonge au loin les regards.
- Ses petits boivent le sang; Et
là où sont des cadavres, l'aigle se trouve.
[ Début ]
Chapitre 40
- L'Éternel, s'adressant
à Job, dit:
- Celui qui dispute contre le Tout
Puissant est-il convaincu? Celui qui conteste avec Dieu a-t-il une
réplique à faire?
- Job répondit à
l'Éternel et dit:
- Voici, je suis trop peu de chose;
que te répliquerais-je? Je mets la main sur ma
bouche.
- J'ai parlé une fois, je ne
répondrai plus; Deux fois, je n'ajouterai rien.
- L'Éternel répondit
à Job du milieu de la tempête et dit:
- Ceins tes reins comme un vaillant
homme; Je t'interrogerai, et tu m'instruiras.
- Anéantiras-tu
jusqu'à ma justice? Me condamneras-tu pour te donner
droit?
- As-tu un bras comme celui de
Dieu, Une voix tonnante comme la sienne?
- Orne-toi de magnificence et de
grandeur, Revêts-toi de splendeur et de gloire!
- Répands les flots de ta
colère, Et d'un regard abaisse les hautains!
- D'un regard humilie les hautains,
Écrase sur place les méchants,
- Cache-les tous ensemble dans la
poussière, Enferme leur front dans les
ténèbres!
- Alors je rends hommage A la
puissance de ta droite.
- Voici l'hippopotame, à qui
j'ai donné la vie comme à toi! Il mange de l'herbe
comme le boeuf.
- Le voici! Sa force est dans ses
reins, Et sa vigueur dans les muscles de son ventre;
- Il plie sa queue aussi ferme
qu'un cèdre; Les nerfs de ses cuisses sont
entrelacés;
- Ses os sont des tubes d'airain,
Ses membres sont comme des barres de fer.
- Il est la première des
oeuvres de Dieu; Celui qui l'a fait l'a pourvu d'un glaive.
- Il trouve sa pâture dans
les montagnes, Où se jouent toutes les bêtes des
champs.
- Il se couche sous les lotus, Au
milieu des roseaux et des marécages;
- Les lotus le couvrent de leur
ombre, Les saules du torrent l'environnent.
- Que le fleuve vienne à
déborder, il ne s'enfuit pas: Que le Jourdain se
précipite dans sa gueule, il reste calme.
- Est-ce à force ouverte
qu'on pourra le saisir? Est-ce au moyen de filets qu'on lui
percera le nez?
[ Début ]
Chapitre 41
- Prendras-tu le crocodile à
l'hameçon? Saisiras-tu sa langue avec une corde?
- Mettras-tu un jonc dans ses
narines? Lui perceras-tu la mâchoire avec un crochet?
- Te pressera-t-il de supplication?
Te parlera-t-il d'une voix douce?
- Fera-t-il une alliance avec toi,
Pour devenir à toujours ton esclave?
- Joueras-tu avec lui comme avec un
oiseau? L'attacheras-tu pour amuser tes jeunes filles?
- Les pêcheurs en
trafiquent-ils? Le partagent-ils entre les marchands?
- Couvriras-tu sa peau de dards, Et
sa tête de harpons?
- Dresse ta main contre lui, Et tu
ne t'aviseras plus de l'attaquer.
- Voici, on est trompé dans
son attente; A son seul aspect n'est-on pas
terrassé?
- Nul n'est assez hardi pour
l'exciter; Qui donc me résisterait en face?
- De qui suis-je le
débiteur? Je le paierai. Sous le ciel tout
m'appartient.
- Je veux encore parler de ses
membres, Et de sa force, et de la beauté de sa
structure.
- Qui soulèvera son
vêtement? Qui pénétrera entre ses
mâchoires?
- Qui ouvrira les portes de sa
gueule? Autour de ses dents habite la terreur.
- Ses magnifiques et puissants
boucliers Sont unis ensemble comme par un sceau;
- Ils se serrent l'un contre
l'autre, Et l'air ne passerait pas entre eux;
- Ce sont des frères qui
s'embrassent, Se saisissent, demeurent inséparables.
- Ses éternuements font
briller la lumière; Ses yeux sont comme les
paupières de l'aurore.
- Des flammes jaillissent de sa
bouche, Des étincelles de feu s'en échappent.
- Une fumée sort de ses
narines, Comme d'un vase qui bout, d'une chaudière
ardente.
- Son souffle allume les charbons,
Sa gueule lance la flamme.
- La force a son cou pour demeure,
Et l'effroi bondit au-devant de lui.
- Ses parties charnues tiennent
ensemble, Fondues sur lui, inébranlables.
- Son coeur est dur comme la
pierre, Dur comme la meule inférieure.
- Quand il se lève, les plus
vaillants ont peur, Et l'épouvante les fait fuir.
- C'est en vain qu'on l'attaque
avec l'épée; La lance, le javelot, la cuirasse, ne
servent à rien.
- Il regarde le fer comme de la
paille, L'airain comme du bois pourri.
- La flèche ne le met pas en
fuite, Les pierres de la fronde sont pour lui du chaume.
- Il ne voit dans la massue qu'un
brin de paille, Il rit au sifflement des dards.
- Sous son ventre sont des pointes
aiguës: On dirait une herse qu'il étend sur le
limon.
- Il fait bouillir le fond de la
mer comme une chaudière, Il l'agite comme un vase rempli de
parfums.
- Il laisse après lui un
sentier lumineux; L'abîme prend la chevelure d'un
vieillard.
- Sur la terre nul n'est son
maître; Il a été créé pour ne
rien craindre.
- Il regarde avec dédain
tout ce qui est élevé, Il est le roi des plus fiers
animaux.
[ Début ]
Chapitre 42
- Job répondit à
l'Éternel et dit:
- Je reconnais que tu peux tout, Et
que rien ne s'oppose à tes pensées.
- Quel est celui qui a la folie
d'obscurcir mes desseins? -Oui, j'ai parlé, sans les
comprendre, De merveilles qui me dépassent et que je ne
conçois pas.
- Écoute-moi, et je
parlerai; Je t'interrogerai, et tu m'instruiras.
- Mon oreille avait entendu parler
de toi; Mais maintenant mon oeil t'a vu.
- C'est pourquoi je me condamne et
je me repens Sur la poussière et sur la cendre.
- Après que l'Éternel
eut adressé ces paroles à Job, il dit à
Éliphaz de Théman: Ma colère est
enflammée contre toi et contre tes deux amis, parce que
vous n'avez pas parlé de moi avec droiture comme l'a fait
mon serviteur Job.
- Prenez maintenant sept taureaux
et sept béliers, allez auprès de mon serviteur Job,
et offrez pour vous un holocauste. Job, mon serviteur, priera pour
vous, et c'est par égard pour lui seul que je ne vous
traiterai pas selon votre folie; car vous n'avez pas parlé
de moi avec droiture, comme l'a fait mon serviteur Job.
- Éliphaz de Théman,
Bildad de Schuach, et Tsophar de Naama allèrent et firent
comme l'Éternel leur avait dit: et l'Éternel eut
égard à la prière de Job.
- L'Éternel rétablit
Job dans son premier état, quand Job eut prié pour
ses amis; et l'Éternel lui accorda le double de tout ce
qu'il avait possédé.
- Les frères, les soeurs, et
les anciens amis de Job vinrent tous le visiter, et ils
mangèrent avec lui dans sa maison. Ils le plaignirent et le
consolèrent de tous les malheurs que l'Éternel avait
fait venir sur lui, et chacun lui donna un kesita et un anneau
d'or.
- Pendant ses dernières
années, Job reçut de l'Éternel plus de
bénédictions qu'il n'en avait reçu dans les
premières. Il posséda quatorze mille brebis, six
mille chameaux, mille paires de boeufs, et mille
ânesses.
- Il eut sept fils et trois
filles:
- il donna à la
première le nom de Jemima, à la seconde celui de
Ketsia, et à la troisième celui de Kéren
Happuc.
- Il n'y avait pas dans tout le
pays d'aussi belles femmes que les filles de Job. Leur père
leur accorda une part d'héritage parmi leurs
frères.
- Job vécut après
cela cent quarante ans, et il vit ses fils et les fils de ses fils
jusqu'à la quatrième
génération.
- Et Job mourut âgé et
rassasié de jours.
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